Celui qu’on attendait, le nouveau film de Serge Avédikian fait partie des surprises que l’on n’attendait pas
S’il y a bien un moyen de s’évader de notre quotidien en un claquement de doigt ou prou, c’est bien celui qui consiste à acheter un petit bout de papier, puis à poser délicatement son postérieur dans une salle qui s’obscurcit pour mieux nous envoyer dans la lumière. Celle, diffuse et intensément chaleureuse du nouveau film de Serge Avédikian, fait partie des surprises que l’on n’attendait pas, et qui mettra, à n’en pas douter, du baume au coeur de pas mal de nos compatriotes coincés entre actualités moroses et météo capricieuse. Celui qu’on attendait est un shot de bonne humeur et de bon humour savamment dosé malgré les quelques baisses de rythme sitôt la mise en situation posée. Le messie tant désiré, c’est Patrick Chesnais, ou plutôt Jean-Paul Bolzec, son alter égo à l’écran. Acteur, râleur mais profondément gouailleur. Chesnais est de ces gueules de comédien dont on a l’impression d’avoir toujours vécu avec. Et tant mieux, car le film repose presque entièrement sur lui.
Ou plutôt sur ce drôle d’olibrius qu’est Bolzec, victime d’un accident sur le chemin l’aéroport de Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. Abandonné par son chauffeur qui s’en va en courant, il se retrouve perdu au milieu des collines, y croise un homme à dos d’âne qui le prend pour un espion, puis un motard qui fait délicatement le tour de lui avant de s’en aller, avant de finalement apprendre qu’il est désormais en … Arménie. Ces cinq premières minutes, tout à fait délicieuses pour ceux qui regrettent l’époque d’un cinéma burlesque muet tendance Buster Keaton, donnent le ton au reste du film qui oscillera entre incompréhension mutuelle et gesticulation intempestive. Chesnais frôlant même la démence d’un Louis de Funès dans une scène autour des installations électriques récentes. Le cadre somptueux de ce village arménien est idéal pour tirer les ficelles de qui ressemble à un jumelage parfait entre conte pittoresque et satyre déguisé. Soit, la légende locale de l’homme venant de France ayant échappé au génocide et venant apporter la lumière (au propre comme au figuré) et délivré les villageois du joug de la corruption.
Si l’on devait retenir des éléments négatifs à l’ensemble, ce serait quelques longueurs dont l’utilité est certaine, mais qui étirent un peu trop des situations évidentes. Chesnais apporte toute sa désinvolture à l’ensemble, et l’on apprécie autant ses airs ahuris que ses mines perdues face à cette mascarade gigantesque qui l’oblige à rester coincé dans ce coin pommé. Passé le premier degré très drôle de l’exposition du film, Serge Avédikian nous convoque ensuite pour une succession d’idées philosophiques à portée humanistes. Nous sommes invités, tout comme Chesnais, à prendre le temps de réfléchir sur la société occidentale qui nous mâche tout le travail d’une vie organisée, face au coup du sort qui nous place face à soi-même dans un lieu isolé (géographique mais aussi social, car personne ou presque ne parle sa langue). Même si c’est le quiproquo de départ sur la richesse relative de Bolzec qui lui déroule le tapis rouge au village, celui-ci découvre qu’il peut être réellement utile à des personnes qui ont des manques au niveau des besoins primaires. Une véritable introspection pleine d’humour dans des paysages magnifiques, où pour une fois l’adage « l’argent ne fait pas le bonheur », peut se démentir. Le messie, oui, mais avec les poches pleines !
Clandestin dans un pays qu’il ne connaît pas, dont il ne parle pas la langue et ne lit pas l’alphabet, il comprend assez vite qu’on le prend pour un autre, car il est fêté comme le messie…
Sortie : le 8 juin 2016
Durée : 1h30
Réalisateur : Serge Avédikian
Avec : Patrick Chesnais, Arsinée Khanjian, Robert Harutyunyan
Genre : Comédie dramatique