Des comédiens en état de grâce dans « un mois à la campagne », sous la direction magistrale d’Alain Françon

Des comédiens en état de grâce dans "un mois à la campagne", sous la direction magistrale d'Alain Françon
« Un mois à la campagne » d’Ivan Tourgueniev – © Michel Corbou

Des comédiens en état de grâce dans « un mois à la campagne », sous la direction magistrale d’Alain Françon

Alain Françon, fabuleux directeur d’acteurs et fin connaisseur des tourments russes pour avoir souvent mis en scène le théâtre de Tchekhov, nous plonge avec délice dans les affres de l’amour qui vient, le temps d’un été, semer le trouble puis le désordre, chez des bourgeois paisibles et tranquillement alanguis à la campagne.

Un jeune homme un peu mal dégrossi, engagé comme tuteur du fils de la maison, est convié à entrer dans le salon mais cette irruption soudaine dans un monde de conventions et d’insatisfaction, va faire chavirer les cœurs. Celui de Natalia, la maîtresse des lieux, et de Vera la jeune pupille.

Il y a là un ordre social chahuté, remis en cause d’habitude par des soulèvements ou des mouvements de révolte, et que l’attraction amoureuse ici bouscule jusqu’à révolutionner la maisonnée, chambouler la vie quotidienne, faire vaciller l’équilibre social et familial. Car là où le désir circule, le trio est secoué.

L’âme russe en effervescence

De ces personnages en proie à des sentiments irraisonnés aux prises entre l’illusion de leurs vies et sa frustration intime, on côtoie le tragique et le comique finement rendus par la mise en scène subtile et organique d’Alain Françon.

De frustrations en bonheur inaccompli, de jalousie en rivalité calfeutrées, les tensions s’accumulent, l’orage menace. Les sentiments qu’éprouvent Natalia font naître chez elle un incroyable vague à l’âme alors qu’en même temps, elle ne peut admettre de trahir sa condition et son mari.

Une femme amoureuse à la fêlure romanesque

Natalia éprouve pour la première fois la fulgurance d’aimer, et c’est à cette déflagration de tout son être à laquelle on assiste et dont elle n’est pas préparée.

Radiographie passionnée mais aussi cruelle des conflits intérieurs qui bouleversent l’être et dont l’espace scénique imaginé par Jacques Gabel, fait vivre et respirer chaque soubresaut d’émotions contrariées où se mêlent et s’entrechoquent la passion impossible, l’emportement, les doutes, les peurs, et les renoncements.

La pièce d’Ivan Tourgueniev est au plus près du ressenti émotionnel, intérieur et pluriel des êtres, de leurs pulsions, leurs contradictions, leurs désirs, et leurs faiblesses.

Tous les comédiens sont en état de grâce pour accompagner à l’unisson cet embrasement de l’âme. Il est porté par une Anouk Grinberg au sommet de son art, irradiant de cette vérité humaine à la fois flamboyante et mélancolique, lumineuse et complexe, cette femme amoureuse à la fêlure romanesque. Bravo.

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Dates : du 9 mars au 28 avril 2018 l Lieu Au Théâtre Dejazet (Paris)
Metteur en scène : Alain Françon

NOS NOTES ...
Originalité
Scénographie
Mise en scène
Jeu des acteurs
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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