Derrière la philosophe,la femme dans Pour l’amour de Simone
Le Lucernaire lève le voile sur un aspect moins connu de la vie de la grande philosophe Simone de Beauvoir. Derrière l’esprit en action et la femme de lettres se cachait surtout la femme en perpétuelle quête d’amour. L’auteur du Deuxième sexe et des Mémoires d’une jeune fille rangée se passionna pour des amants passagers et partageait ses observations avec son compagnon de toujours, cet éternel Jean-Paul Sartre pas moins libéré qu’elle. La pièce Pour l’amour de Simone expose avec humour et profondeur les échanges épistolaires entre Castor, Jacques-Laurent Bost, Nelson Algren et Jean-Paul Sartre pour une réflexion toute en nuances sur la pérennité des sentiments.
Les débuts de l’union libre
Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, c’est toute une histoire. Leur théorie Un amour nécessaire, des amours contingentes peut faire sourire aujourd’hui mais constituera l’indéfectible terreau du leur indissociable tandem jusqu’à leur mort. En s’autorisant autant de passades que désirées à la condition de toujours tout raconter à l’autre, ils faisaient preuve d’une étonnante modernité, plaçant leur couple au-delà de toute considération bassement bourgeoise comme la jalousie ou l’honnêteté hypocrite. Le comédien Alexandre Laval interprète les 3 hommes qui ont le plus compté dans la vie de la grande romancière. De menus accessoires lui suffisent pour incarner l’un ou l’autre des personnages dans des passages éclairs qui laissent toute la place à Simone. Jacques-Laurent Bost et Nelson Algren furent des entractes comparé au monolithique et omniprésent Jean-Paul Sartre. A contrario, ce sont 3 comédiennes qui incarnent alternativement Simone de Beauvoir. La metteur en scène Anne-Marie Philipe, Aurélie Noblesse et Camille Lockhart s’adressent aux interlocuteurs du moment en reprenant des écrits aussi enflammés que passionnés. Où l’on découvre que la féministe convaincue d’aspect plutôt austère était en fait une grande midinette souvent aveuglée par ses sentiments, loin de toute logique académique.
Un mythe déconstruit
La sobriété de la mise en scène laisse toute la place aux comédiens et à leurs déclamations sans en rajouter dans une quelconque volonté de reconstitution historique. A chacun de faire vivre la personnalité de chacun des personnages, en toute simplicité. Le toujours tempéré Sartre tranche avec le plus jeune Bost et le plus américain Algren devant une Simone obstinément enflammée par ses sentiments tout en restant invariablement lucide quand venait le moment de la rupture. Très peu de théories philosophiques dans une pièce qui privilégie l’humain aux thèses doctorales pour une place prépondérante laissée aux sentiments plutôt qu’aux courants de pensée. Un véritable théâtre de boulevard se joue en fait sur la scène du Lucernaire avec comme personnages certains des esprits les plus brillants du XXe siècle et une femme connue pour avoir ardemment défendu la cause des femmes. Il est caustique de constater que l’adage bien connu le coeur a ses raisons que la raison ignore se confirme quelque soit l’être humain.
Pour l’amour de Simone déconstruit le mythe d’une femme avant tout belliqueuse et intellectuelle. Simone de Beauvoir fut aussi battante politiquement qu’exaltée sentimentalement. De quoi rassurer sur l’éternité de l’inconséquence des sentiments.
Dates : jusqu’au 15 octobre 2017
Lieu : Le Lucernaire (Paris)
Metteur en scène : Anne-Marie Philipe
Avec : Anne-Marie Philipe, Camille Lockhart, Aurélie Noblesse, Alexandre Laval