Un documentaire sans concessions avec I am not your Negro
Si l’écrivain américain James Baldwin n’est pas spécialement connu dans nos contrées, il a gagné aux Etats-unis une réputation identique à celles de Martin Luther King et Malcolm X. En explorant les fractures et la duplicité d’une société rongée par les tensions sociales, raciales et sexuelles, l’auteur a gagné sa place dans ce documentaire puissant porté par la voix de Samuel L. Jackson en VO (et Joey Starr en VF) qui revient sur les réflexions saisissantes d’un homme qui a toujours refusé de se taire pour porter bien haut la parole de la raison. Le documentaire provoque un véritable choc émotionnel tant il invoque une issue imaginée comme négative pour la société toute entière.
Une confrontation historique entre passé et présent
Ce qui interpelle le plus dans le documentaire consiste en ces mises en regard entre des propos remontant aux années 60 et des images d’une lugubre actualité. Brutalités policières et discriminations sont toujours monnaie courante dans un pays qui a pourtant connu une intense lutte pour les droits civiques portée par des personnages restés dans la légende. James Baldwin les a connus et a pleuré leurs morts tout en ne s’empêchant pas de garder son objectivité pour ne jamais verser dans la victimisation ni la culpabilisation. Ses propos sur la confrontation de sentiments aussi négatifs que la rage pour certains et la peur pour d’autres ne laissent de faire méditer sur la quadrature du cercle que représente la situation sociale aux Etats-Unis depuis plusieurs siècles et surtout maintenant. Tout en clamant l’importance de ne pas différencier les êtres humains par leur couleur de peau (d’où le titre), l’écrivain fait le constat d’une impossibilité de faire sortir la société américaine de l’ornière tant que les frontières sociales et raciales perdureront. Avec un constat sans appel, la financiarisation de notre société ne contribuera aucunement à un apaisement car, comme le dit si bien l’écrivain, la tyrannie des chiffres n’aidera pas à aider la progression sociale de l’homme, des hommes, et le vivre ensemble
Les temps ne changent pas
Bien que disparu en 1987, la parole de James Baldwin reste d’une cruciale actualité, tout comme celle de Pier Paolo Pasolini assassiné en 1975, les paroles d’hommes sages et objectifs ne gagnent jamais de rides et appuyent les constats présents. L’auteur prévoyait en 1965 qu’un président noir pourrait accéder à la présidence 40 ans plus tard, cette parole a valeur de prophétie ce que les images de Barack Obama confirment. Sans que le spectateur ne puisse réfléchir sur la ruse de l’histoire que constitue sa succession avec l’élection de Donald Trump, peut être pas si longue que ça comme semblent signaler les rumeurs actuelles d’Impeachment. I am not your Negro, soit littéralement Je ne suis pas votre Nègre renvoie à l’héritage esclavagiste des Etats-Unis et surtout à la nécessité absolue de ne pas différencier les êtres humains, étape initiale et primordiale pour ne pas créer de hiérarchie et donc de ségrégation.
Le documentaire passe hélas dans très peu de salles et pourtant… au lieu d’aller voir les sucreries gratuites et inutiles Alien ou King Arthur, qui ne vous apporteront vraiment pas grand chose voire rien du tout à part quelques frissons stériles, vous devriez plutôt aller méditer au cinéma. Devant James Baldwin. Moi, c’est décidé, je vais acheter ses livres pour en savoir plus!
À travers les propos et les écrits de l’écrivain noir américain James Baldwin, Raoul Peck propose un film qui revisite les luttes sociales et politiques des Afro-Américains au cours de ces dernières décennies.
Sortie : le 10 mai 2017
Durée : 1h34
Réalisateur : James Baldwin
Avec : Samuel L. Jackson
Genre : Documentaire
[…] La critique du documentaire I am not your Negro est disponible sur Publik’Art […]