Elans de poésie et de passion amoureuse au Lucernaire avec la pièce Mon Lou
Mon Lou se développe dans un seul en scène enflammé où Moana Ferré lit fiévreusement les missives adressées par un Guillaume Apollinaire engagé volontaire à son aimée Louise de Coligny-Châtillon qu’il surnomme affectueusement Lou. Les échanges épistolaires que le poète adresse quotidiennement incluent des poèmes rassemblés plus tard sous le titre de Ombre de mon amour puis de Poèmes à Lou. La pièce fait sommairement état du contexte au-delà du réconfort que cette idyle apporte au poète par temps de guerre, insistant sur les pureté des sentiments et les élans lyriques gracieusement agencés dans le froid des tranchées.
De la poésie avant toute chose
Moana Ferré parcourt d’abord les lettres de Guillaume Apollinaire, assise sur un banc, jetant chaque lettre autour d’elle jusqu’à s’entourer d’un tas de papiers tel une protection contre la solitude. Les mots d’amour essaiment jusqu’à plonger le public dans une atmosphère quasi onirique. Mais qui est cette Lou si fougueusement adorée? Une recherche rapide permet de reconstituer le fil de l’histoire et de mieux comprendre le contexte. Apollinaire tente de s’engager dans l’armée française une première fois en aout 1914 mais il n’a pas la nationalité française et est donc recalé. Il décide de formuler sa deuxième demande à Nice en décembre 1914 où un ami lui présente Louise de Coligny-Châtillon. Il s’éprend aussitôt d’elle mais ses sentiments ne sont d’abord pas partagés. Lou a un autre homme dans son coeur qu’elle surnomme Toutou. Apollinaire part faire ses classes avant d’être envoyé sur le front. D’une lettre par jour, le rythme baisse graduellement. L’acmé de la correspondance se trouve dans une lettre datée datée du Vous ayant dit ce matin que je vous aimais, ma voisine d’hier soir, j’éprouve maintenant moins de gêne à vous l’écrire. Je l’avais déjà senti dès ce déjeuner dans le vieux Nice où vos grands et beaux yeux de biche m’avaient tant troublé que je m’en étais allé aussi tôt que possible afin d’éviter le vertige qu’ils me donnaient.
La guerre en toile de fond
Moana Ferré multiplie les élans lyriques pour figurer la force des sentiments. La pièce ne fait qu’effleurer le fait que Lou refuse de quitter Toutou pour Apollinaire et tous deux se quittent à la veille de son départ pour le front en mars 1915, se promettant de rester amis. L’histoire retient qu’il est blessé à la tempe par un obus le 17 mars 1916 alors qu’il lisait le Mercure de France dans sa tranchée. Une seconde partie dans la pièce voit la comédienne se revêtir d’une tenue noire pour apposer des couleurs sur une grande toile blanche. Le marron des tranchées, le noir de la boue et le rouge de sang se confondent dans une composition qui figure la violence de la guerre et la solitude du soldat. La mise en scène de Christian Pageault donne toute la place à la comédienne dont la voix hypnotise le public une heure durant. Les mots du poète ensorcellent et apportent une dose d’évasion dans le printemps parisien. Des musiques diverses soulignent les sentiments à intervalles réguliers et la sobriété des couleurs fait plonger dans les ténèbres de la guerre.
Mon Lou est un grand moment de poésie entre un homme passionné et une femme délicatement courtisée. La pièce se joue au Lucernaire jusqu’au 23 juin pour redécouvrir l’esprit d’Apollinaire et sa détermination légendaire.
Dates : du 18 avril au 23 juin 2018 à 19h du mardi au samedi
Lieu : Lucernaire (Paris)
Metteur en scène : Christian Pageault
Avec : Moana Ferré