Plus de 192 000 personnes ont fait la fête pendant 3 jours à l’Electrobeach Festival.
(Chronique réalisée avec Natacha Delafoy & Rajiv Siousarram)
Le Barcarès, été 2017. Il flotte comme un parfum de fête foraine sitôt parquée la voiture pas loin de l’avenue du Roussillon, promenade d’environ un kilomètre reconnu pour être le before et/ou l’after officieux des dernières éditions de l’EMF, l’Electrobeach Music Festival. Stand de barbapapa, effluves de gaufres saupoudrées, le tout mêlé à une ambiance bonne enfant où on a la place de tout. Première grosse surprise (et très agréable) : terminé le camping sauvage agrémenté d’une relative cacophonie mélangeant subwoofer hardstyle ou big room nasillarde, les organisateurs ont fait place nette de la fameuse avenue bordée de pins. Volonté de mieux sécuriser le site, surement, résultat, attente quasi-nulle dans ce premier sas de contrôle, ainsi que lors des contrôles des bracelets. Cela peut paraître peu comme initiative, mais l’efficacité est maximal au niveau du ressenti : zéro coupure entre le warm up extérieur et le festival. Dans le contexte que l’on sait, un maximum de sécurité avec autant d’impression de calme et de liberté, chapeau bas.
En restant sur l’organisation structurelle, on peut saluer unanimement l’élargissement de la surface « dansante » de l’Electrobeach. Le chapiteau techno, qui revenait pour la deuxième année consécutive, est repoussé un peu plus loin sur la gauche, le long de la plage, dévoilant une zone qui a offert un sentiment de quiétude, et ce malgré les 20 000 festivaliers de plus cette année. Ce changement est une conséquence direct de l’arrivée d’une quatrième scène musicale voulue directement par son organisateur, Silvain Berreteaga : la scène hardstyle par Revolution by Che. Un vrai choix fort qui ouvre encore plus les portes de l’EMF aux amoureux en tout genre de musique électronique. En effet, en plus d’attirer les amoureux de BPM élevé, Electrobeach continue à nourrir ses festivaliers de sets house, future house, tropical house, deep house du côté de sa Beach Stage, ainsi que de minimal, techno, tech house pointus sous sa Techno Stage, sans même parler de la fameuse Main Stage, digne des plus grands festivals de la planète, et qui a joué autant de Big Room, d’Acid House que de Trap, Moombahton, voir même de trance. On est donc très éloigné de l’article cliché pondu par nos confrères de Tsugi emballant le tout sous l’étiquette passe-partout « EDM ». Etonnant de la part de sommités comme eux ne sachant pas reconnaitre l’éclectisme musical de l’EMF.
Ceci étant dit, passons à la partie la plus excitante : la musique !
Un vrai éventail musical et de la qualité.
Beaucoup de festivaliers assez jeunes (coeur de cible) ont eu la dent plutôt dure au moment du dévoilement de la line up de cette 6e édition. Il faut dire que l’antépénultième Electrobeach avait réuni un casting qui aurait fait pâlir plus d’un gros festival, et en 3 ans ce sont pas moins que le haut du panier des DJs de la planète qui ont posé leurs mains sur les platines de la Main Stage. Citons pêle-mêle Avicii, Martin Garrix, Axwell Λ Ingrosso ou encore Dimitri Vegas & Like Mike. Un vrai plébiscite EDM en quelque sorte pour des ados biberonnés par Fun Radio. Mais, l’EMF refuse cette étiquette, sans toutefois la renier. « Il est possible d’aimer la musique électronique sous toutes ses formes », clame la tête pensante du festival, Silvain Berreteaga.
Donc, acte. Club Cheval, Troyboï, Mike Cervello, Tony Romera squattent tous la Main Stage avec un éventail électronique qui va de la house French Touch à des beats Urban très prononcés. Le tout devant une foule très réceptive qu’importe l’heure. Ajoutons à cela ce désir toujours aussi fort de conquérir le coeur des festivaliers avec une Techno Stage à la programmation exceptionnelle : Seth Troxler en B2B avec The Martinez Bros, Bodzin & Romboy, les éternels complices aux mélopées acid dévastatrices, ou encore Dixon, Agoria, Oxia. Un pur régal pour les oreilles. La Beach Stage n’a pas été en reste avec des DJs qui n’auraient pas dénoté sur la Main (Shapov, Nora en Pure ou New-ID) côtoyant de belles promesses (Yall, Yotto). Une énergie que l’on retrouvait multiplié par 2 du côté de la scène Revolution by Che. Pour sa première, elle a souvent été bien remplie et a pu bénéficier de quelques DJs prestigieux hardstyle : Angerfist, Brennan Heart et Coone. Nul doute que cette 4e scène annoncée sur le tard bénéficiera d’une médiatisation tout autre lors de l’édition 2018.
Et sinon, ça a donné quoi sur la Main Stage ?
Deadmau5 & Armin Van Buuren délivrent 2 sets de légende.
Nappes musicales envahissantes, beat inspiré et entrainant, casque de souris aux yeux exhorbités mis, Joel Zimmerman AKA Deadmau5 se lance dans ce qui sera le meilleur set de cet EMF, tout simplement.
Dèdmo-cinq, c’est qui ? J’avoue, c’est un peu caricaturé. Mais, pas tant que ça. Si nos jeunes festivaliers s’étaient un minimum penché sur Deadmau5 (prononcez dèdmoss, soit souris morte), ils auraient réalisé à quel point Silvain Berreteaga a réalisé un boulot hors du commun, et pourquoi il a été le premier headliner annoncé pour cette édition. Derrière ce sobriquet mortifère se cache l’une des personnalités les plus singulières et
controversées de la musique électronique des deux dernières décennies, j’ai nommé l’excentrique Joel Zimmerman. Musicien de génie à l’oreille parfaite, surtout des machines, amoureux des chats et de grosses cylindrés, clasheur hors-paire sur le web 2.0, il a surtout été élu plusieurs années DJ de l’année tout genre confondu. Son style, bien qu’oscillant souvent vers de la progressive house aux sonorités new wave et trance, est assez insaisissable, ses lives magiques. Tant et si bien que ses dates sont hyper rares et ultra demandées en Europe. En France, on frôle le néant, et ce malgré un succès commercial certain. Pour tout cela, Deadmau5 est assurément LE coup de force de cette 6e édition. Une confirmation immédiate s’empare des nous dès les premières notes en ce jeudi 13 juillet 2017. Nappes musicales envahissantes, beat inspiré et entrainant, casque de souris aux yeux exhorbités mis, Joel Zimmerman se lance dans ce qui sera le meilleur set de cet EMF, tout simplement. Il y met tout et son contraire avec une maestria démentielle. Moments calmes lancinants alternant avec techno sombre dévastatrice. Des notes de ses tubes Ghost N Stuff, Avaritia, Strobe ou encore le délicieux Polaris sont entrecoupés de sonorités sombres, le tout relevé par un VJing succulent (les Deadmau5 qui pètent des cables, les doigts d’honneur qui balancent en rythme …). Deadmau5 livre un spectacle total où l’homme sous le casque ose se moquer ouvertement de ses confrères DJs à base de « One, Two, Three … JUMP! » alors que beat est totalement absent. Anticonformisme, humour noir, grand écart musical mais ultra maitrisé, la souris était en très grand forme au Barcarès, et offrait d’ors et déjà, dès ce premier jour, un highlight qui divisera des festivaliers qui se demandent encore ce qui s’est passé (Encore plus quand tu sors de 3 heures d’EDM de gros calibre avec Nervo et le toujours génial Tiësto).
Armin Van Buuren possède en commun avec Zimmerman cet amour des mélodies entêtantes et puissantes qui caractérisent la plupart de leurs compositions, et leur notoriété acquise il y a quelques années en étant élu DJ de l’année. Mais, c’est à peu près tout. AVB est même son antithèse. Totalement inscrit dans son délire musical, le DJ néerlandais assume avec brio depuis des décennies le titre d’empereur de la Trance Music. A chacune de ses représentations, le spectacle est total tant au niveau musique avec ces sonorités particulières mêlant vocal entêtant et mélopée psychédélique, que visuel à travers les lasers, le VJing et les effets pyrotechniques. L’annulation de Prydz la veille nous avait échaudé sur ce dernier point, surtout que la Main Stage possédait des écrans dans tous les coins jusqu’au plafond et s’était doté d’un nombre de lasers supérieurs à l’an dernier. Armin va exploiter l’arsenal de l’EMF à son maximum. Set dévastateur entrecoupé par un faux-problème technique délicieux (Wow!), le Boss d’Armind Record va tout faire péter en ce 14 juillet, jour de Fête Nationale, avec un final apocalyptique. Saving Lights de Gareth Emery lance les hostilités, sitôt suivi par le track le plus festif de cet année 2017 en live : son Great spirit en duo avec Vini vici et son vocal de chant amérindien nous entrainant dans une trance infinie, le tout dopé ensuite par le remix de Wildstylez (WOW!!) sous fond de furie pyrotechnique. Mais ce n’est pas tout. Pour achever une audience qu’aucun cacheton ou aucun rail de coco ne pourra mettre aussi high, Armin Van Buuren balance son Dominator sous le feu nourri des artificiers de l’EMF. Le show est total, tant et si bien que l’on a littéralement l’impression que la scène explose sur les dernières notes ! Dingue.
DJ Snake, Guetta, Solveig, la French Connexion a assuré.
Et pourtant les autres headliners de ces deux premiers jours ont été très bons. Tiësto, véritable habitué du festival, a régalé la foule en alternant ses derniers tracks dont l’excellent beatmover Boom avec ses productions plus anciennes remixés Redlight par Hungry Man à la sauce plus urban, tout en délivrant des sonorités deep house venues de son nouveau label AFTRHRS. Annoncé en surprise ce premier jour, le retour du frenchy le plus hype du moment, DJ Snake a enflammé comme il sait le faire l’EMF entre tsunami hardstyle et Get low de folie organisé dans la foule. C’est même tout le label Pardon My French ou presque qui a mis le feu à cette édition 2017 avec la présence de Malaa, l’homme à la cagoule, et Tchami, le confesseur sur la Main Stage le 2e jour. Délivrant une future house puissante et racée anti-commerciale via leurs tracks Notorious, Fade, Adieu ou World to me, entrecoupé de big room ou encore de l’excellent Pump de Valentino Khan.
En ce jour de Fête Nationale, l’édition émouvante de l’an dernier, suite à l’attentat de Nice, refait surface à travers le magistral survol de la Brigade de France sous fond de l’incroyable coucher de soleil comme la région en délivre à foison dans l’année. Les Frenchies Martin Solveig et David Guetta font le show enchainant les remix plus ou moins inspirés de leurs tubes avec un VJing toujours efficace. On pardonnera au premier ses quelques fausses notes lors de la Marseillaise entonnée par plus de 50 000 personnes, ainsi que son look hip-hop pas très assorti à sa légendaire moustache. Guetta lui confirme que malgré son aura resté assez pauvre en France, il est bien passé dans une autre dimension depuis que ses productions ont vu se succéder les plus grands noms Pop à ses côtés. Un show inspiré et puissant hybride passant de drops EDM assez violents, à de la trap, voir de la future house. Un set qui rejoint les propos de Tiësto disant que l’EDM en tant que tel allait à son terme. Une ouverture magnifique pour Armin avec le résultat que l’on sait.
Don Diablo, KSHMR & Afrojack, des headliners en feu.
Samedi, pas le temps de mollir. Ou si un peu avec le set très plage privée/sunset moment d’Alok, le prometteur brésilien. Puis, c’est l’heure de mon moment groupie. Petit tour en coulisse pour voir Don Diablo se faire interviewer par les confrères de Fun Radio. Le mec est hyper cool et détendu. Autour de lui, son staff s’affaire. C’est un des DJ qui utilise le mieux les réseaux sociaux, et on comprend amplement comment tout cela s’organise, une vraie machine de communication parfaitement huilée (et minutée). Quelques vannes et mots en français, puis le hollandais prend les commandes de la Main Stage pour délivrer un set dont il a le secret. Le roi de la Future House, c’est lui. Remixes, mashups et tracks originaux se succèdent en embarquant à sa suite un public qui semblent connaitre par coeur les paroles sous forme yaourt de Cutting shapes, Anytime ou plus faciles Momentum (« Right here, right now » à volonté). Une prestation de haute volée pour un DJ qui devrait tutoyer les sommets des prochains classements annuels.
S’en suit un festival 100% EDM et à un niveau ultra-spectaculaire avec KSHMR et Afrojack. Le premier, d’origine indienne, a concocté une prestation totalement originale pour l’occasion mettant en avant son amour de l’Orient. Protégé de Tiësto avec lequel qu’il a conçu le tube Secrets, puis le mois dernier Harder, le néophyte est complètement désinhibé et envoie du très lourd grâce à ses tracks dopés aux drops surpuissants. Ceux-ci sont entrecoupés de temps en temps par une histoire en français dans le texte diffusée sous forme de cinématiques brillamment réalisées. Le show est total encore une fois avec la nouvelle configuration de la Main Stage. Des couleurs qui se marient parfaitement avec le dernier coucher de soleil de cet Electrobeach 2017.
Maintenant, il est temps de prendre sa dose d’ « Afrojack music » comme aime si bien le dire le DJ néerlandais. Auréolé à la quasi-unanimité des festivaliers de l’Ultra Miami comme celui qui a délivré le meilleur set, le producteur ne va pas faire démentir ses fans. C’est fort, très fort un set d’Afrojack. Un véritable ouragan de beats puissants, de drops aigris, de breaks hip-hop parfaitement sentis, le tout avec la maestria des techniciens de l’EMF. Grosse claque pour tous les amateurs de Dance music. Afrojack partage avec Guetta, entre autres, cette capacité d’explosion du dancefloor en préparant méticuleusement leurs sets, notamment avec des mashups de folie. Qu’on aime ou pas l’EDM, c’est surtout de l’état d’esprit de faire la fête dont il est question ici, qu’importe le style musical. Mais, force est de constater qu’en ce moment même, il parait presque impossible de ne pas jumper avec le ce monstre de puissance.
Le feu d’artifice Yellow Claw pour conclure Electrobeach 2017.
De l’audace jusqu’au bout. Merci Silvain Berreteaga. Loin derrière pas mal d’artistes qui se sont produits lors de cet Electrobeach, niveau notoriété, les Yellow Claw se voient confier la lourde tâche de fermer le festival. Les néerlandais succèdent surtout à 3 heures de pure musique commerciale, eux dont les productions, qui mélangent moombahton, trap, hardstyle et pop, semblent relativement plus confidentielles. Et pourtant, je voudrais remercier, sûrement au nom de presque toute l’audience du festival ce soir là, le directeur du festival pour ce culot aussi bien musical que populaire. Car, OUI, les YMFC sont des artistes géniaux, et des showmens encore plus débridés. Et, OUI, comme pour l’an dernier avec DJ Snake, il a su choisir les artistes les plus prometteurs pour achever son festival (les 2 ont sorti un album gigantesque, Encore pour le Frenchy l’an dernier, Los Amsterdam pour les hollandais). Et quel closing ce fut ! Enchainant drop sur drop, le duo excite au plus au point la foule de l’EMF. De la poussière se lève même au milieu de tous les jets de CO2 et autres lasers, et ce malgré le revêtement mis cette année (merci encore), c’est dire à quel point les Yellow Mother F****g Claw ont tout cassé, et ce même sans feu d’artifice final pour cause de fortes rafales. Mais, qu’importe, Jim & Nils étaient les pyrotechniciens de service ce soir.
Cette sixième édition aura été la plus brillante niveau spectacle depuis que le festival a changé de dimension en 2015, confirmant, si ce n’était pas déjà le cas, que l’Electrobeach Music Festival est bien devenu un rendez-vous incontournable de la saison estivale. Reste à voir si sa tête pensante, Silvain Berreteaga, continuera à jouer la carte de éclectisme et de l’exigence électronique, quitte à en décevoir certains, ou cèdera à la facilité d’une programmation Mainstream qui pourrait faire chavirer définitivement l’EMF en tête des festivals les plus populaires de France. Wait & see.
https://www.youtube.com/watch?v=VUMvRmihcSo
Reportage aussi complet et impressionnant que le Festival !
Bravo JM ! Et merci !
à l’année prochaine !