Explicite, Carnet de tournage [Entretien & chronique]
Après avoir joué dans un film, Olivier Milhaud (Le Viandier de Polpette, Agito Cosmos) a décidé d’écrire un scénario autour des notes prises sur le tournage pour tuer l’ennui… Il s’agissait en réalité d’interpréter le rôle d’un inspecteur dans Mangez-moi, un film… pornographique. Avec la complicité du dessinateur Clément C. Fabre (Le Banc de touche), il propose dans Explicite, Carnet de tournage un témoignage à la fois drôle et touchant d’un univers aussi folklorique que particulier. Et comme si cela ne suffisait pas, il répond avec générosité à nos questions dans ce petit billet !
Date de parution : le 11 février 2015
Auteurs : Olivier Milhaud (scénario) et Clément C. Fabre (dessin)
Editions : Delcourt / Mirages
Prix : 16,95 € (128 pages)
Résumé de l’éditeur :
Le défi relevé par Olivier Milhaud : intégrer le tournage d’un film X en tant qu’unique acteur habillé. Séances de porno amateur, concurrence entre les actrices, difficulté de la trentenaire à trouver sa place parmi les jeunettes de vingt ans, dialogues trash version off au petit déjeuner… Autant de scènes de tournage qui donnent vie à ce reportage immersif. Un récit hilarant et original !
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Le point sur l’album :
D’ordinaire scénariste de BD jeunesse, Olivier Milhaud signe avec Explicite, Carnet de tournage une incursion réussie dans un monde résolument plus adulte. En partageant son expérience, l’auteur se fait d’emblée remarqué par son culot et l’originalité de son propos. Une idée qu’il exploite sur un ton décalé en acceptant de se mettre en scène avec beaucoup d’auto-dérision, au beau milieu d’acteurs pornos au tempérament de feu (Liza del Sierra, Phil Hollyday, Coco Charnelle, Katia de Lys, Titof, Rico Simmons, Mike Angelo etc…).
Le récit montre avec tendresse une vraie petite famille, qui compte évidemment ses zones de tensions, ses jalousies d’expériences passées, et ses fortes têtes (surtourt Mike qui est un vrai phénomène). Nul n’est épargné par ce petit tour d’horizon qui décrit dans une ambiance chaleureuse et forcément décontractée, des personnages hauts en couleurs auxquels ont s’attache très vite. La narration fleuve et pudique d’Olivier Milhaud participe à la sensation d’immersion totale. Nous sommes lui. Intimidés par ce petit monde méconnu dont nous sommes les intrus. Mais également amusés par ce quotidien rythmé par les caméras et encadré par l’équipe du film.
Une identification facilitée par le dessin de Clément C. Fabre qui rend très bien compte de l’atmosphère générale du lieu de tournage, dans ce mas du sud de la France. Son trait rond et généreux sait se modeler pour donner de justes expressions. Une belle énergie s’en dégage, renforçant le réalisme de ce récit plein de sincérité et d’humour.
Témoignage courageux et inédit, Explicite, Carnet de tournage ne provoque que par sa capacité à faire rire de ces situations parfaitement incongrues pour celui qui n’a pas l’habitude de vivre sur les lieux d’un tournage. Et encore moins d’un film X, dont voici la bande-annonce (où vous pouvez apercevoir le fameux inspecteur) :
Entretien avec Olivier Milhaud :
P’ART – 1/ Quand vous avez accepté de participer au tournage de Mangez-moi, aviez-vous déjà à l’esprit d’en faire une BD ? John B. Root indique dans sa préface qu’il n’était pas au courant que vous teniez un carnet de tournage… Comment ce projet BD est-il né ?
O.M. – Non, à la base, je n’avais aucune intention d’en faire un récit. J’étais beaucoup plus dans le trip : « je vais jouer la comédie dans un film ». Ce fût en fait lors de ces quelques jours passés sur le tournage où j’ai commencé à prendre des notes. Au début c’était un peu par ennui, car on doit beaucoup patienter sur un plateau ciné, mais assez vite, je me suis dis qu’il y avait peut-être un moyen de faire de cette expérience une histoire.
P’ART – 2/ Vous décrivez votre expérience avec un regard amusé, une pointe d’auto-dérision et un certain franc-parlé. Certains des acteurs que vous avez cotoyés ne sont pas épargnés par leur portrait (ce qui ne les rend que plus attachants). Comment ont-ils réagi en découvrant la BD ? Vous avez eu des retours ?
O.M. – Pour que le récit fonctionne, il était important que le personnage de Roman Roquette, soit « moi » un peu caricaturé, soit le personnage relais avec le lecteur et que l’on ne reste que sur son point de vue, disons « candide »… Et oui, il n’était pas non plus question de faire de l’angélisme sur le milieu du X, il fallait trouver un juste milieu entre bienveillance et vérité.
Effectivement, certains comédiens ne sont pas épargnés et vous avez raison, à mon sens cela ne les rend que plus attachant, notamment Mike Angelo dont on a chargé le portrait mais toujours avec tendresse.
Je ne sais pas si tout le monde l’a lu, mais pour l’instant je n’ai eu que des retours positifs, déjà, ne serait-ce que par le fait que l’on présente le métier de façon « vrai » même si c’est romancé, je voulais m’attacher à montrer que ce sont des gens tout à fait normaux, avec leurs soucis, etc.
Mais il est vrai que j’attends les retours de Mike et Lisa…
P’ART – 3/ Quelle est l’anecdote ou le souvenir qui vous a le plus marqué dans cette expérience ?
O.M. – Je pense que ça a été l’anniversaire de Jasmine, une des comédiennes, il n’est pas trop mis en avant dans le livre, mais c’était un moment très doux, très familial. Jasmine pleurait et les comédiens venaient lui faire des bisous très tendres. Un chouette moment de partage.
P’ART – 4/ Vous décrivez assez bien le trac, l’appréhension à l’idée de vous retrouver devant les caméras. Mais alors, au final : satisfait de votre performance d’inspecteur dans Mangez-moi ?
O.M. – Du tout ! Je n’arrive pas à me regarder, d’autant plus qu’il est évident que je suis un piètre comédien qui « joue ». Ça se voit, ça se sent, tout est exagéré dans mon « jeu »… Quasi grotesque.
P’ART – 5/ Vous écrivez d’habitude des BD pour les enfants. Aura-t-on l’occasion de vous retrouver sur d’autres projets pour les plus grands ?
O.M. – Oui, bien sur. J’ai plusieurs projets plus adulte, même si je suis toujours très amoureux des bd jeunesse. Peut-être même selon le succès d’Explicite une suite…
P’ART – 6/ Un mot sur Clément C. Fabre, le dessinateur de la BD : comment s’est-il joint à votre projet ? Quelle a été votre manière de faire fonctionner ce duo ?
O.M. – J’ai rencontré Clément par un concours de circonstance et lorsqu’il m’a montré ses travaux, j’ai immédiatement tilté car, sur ce projet, je cherchais un dessinateur de son genre, avec beaucoup de sensibilité, de pudeur, un style quasi féminin. De plus il a un sens de l’acting très fort. Je lui ai donc parlé de ce projet, bien sur il a cru que j’étais fou et s’attendait à une bd porno, mais lorsqu’il a lu le scénario, il avait l’air plutôt emballé.
Ensuite, mis à part, quelques modifications de ci de là lors de la réalisation proprement dite de l’album, je l’ai laissé totalement libre en lui expliquant : « Maintenant, c’est TA bd, c’est toi le metteur en scène, tu l’as fait comme tu veux, comme tu la sens » et il ne m’a absolument pas déçu, il a fait un travail formidable… À mon sens…