Gainsbourg : une BD de Dimberton et Chabert (Jungle)
Retour sur Gainsbourg, le biopic BD sorti il y a quelques mois aux éditions Jungle. L’album paraît cette fois dans un très bel écrin, au dos toilé et en crayonné entièrement retravaillé. Un cahier de 24 pages accompagne même cette superbe édition collector.
Nouveau biopic signé François Dimberton, scénariste et biographe qui a également écrit les récits BD de Johnny ou encore Coluche, cet album one shot sur la vie bien remplie de Gainsbourg est par ailleurs illustré par Alexis Chabert, (Rogon le Leu, Bourbon Street). Un duo d’auteurs qui avait déjà réalisé l’excellent album BD Louis de Funès.
Les ouvrages biographiques du célèbre Gainsbourg sont légion. Le récit de François Dimberton, que l’on reconnait volontiers comme un scénariste de talent lorsqu’il s’agit de raconter la vie de célébrités, est d’une construction assez classique. Il débute naturellement par un aperçu de la vie de ses parents, chanteur et peintre, émigrés juifs ukrainiens venus faire leur vie en France. Celui qui n’était encore que Lulu Ginsburg va vivre une enfance chahutée par l’occupation nazie qui le forcera à se cacher durant trois jours et trois nuits dans les bois… Puis vient l’heure des études, et le jeune homme aux allures oisives se destine à une vie de peintre avant que ses dons de parolier ne le dirigent vers la musique…
On se délecte de ce débordement de créativité graphique.
Et de fil en aiguille, on suit à toute vitesse la vie particulièrement remplie de Gainsbourg, jusqu’à sa mort prématurée. On assiste à tous les temps forts de la vie de l’artiste, et ils sont nombreux. C’est sûr, faire le tri de cette grande aventure a dû être une tâche délicate. Malheureusement, l’écriture trahit ce défi en ne parvenant pas à s’affranchir d’un effet catalogue inévitable. La narration s’en trouve un peu décousue, passant d’un fait marquant à un autre sans véritable liant. Mais comment en aurait-il pu être autrement ? Si le scénario est loin d’être mauvais, c’est sans doute le sujet qui ne se prête pas à l’exercice. Ce condensé de vie en un seul tome aurait mérité de s’inscrire dans une série plus durable.
Côté dessin, Alexis Chabert ose des illustrations imaginatives où Gainsbourg prend les traits du lapin toujours en retard d’Alice au Pays des merveilles avant de devenir une bouteille d’alcool… Le dessinateur offre des planches très libres et vivantes dont les cadrages sont souvent audacieux. On se délecte de ce débordement de créativité graphique. Un vrai plus.
Gainsbourg est un peu frustrant car très découpé mais il reste un album plaisant à découvrir, surtout pour son dessin exalté.
Fils d’émigrés russes, Serge Gainsbourg a révolutionné la variété française des années soixante dix. Son approche volontairement commerciale née de son propre échec dans la chanson à texte a bouleversé les codes de la chanson populaire. Cette rage de gagner sa place dans un domaine qui n’était pas le sien lui aura brûlé les ailes aussi sûrement qu’il nous aura donné des chefs d’œuvres. Immense poète noyant dans l’alcool ses rêves d’enfance, Serge Gainsbourg fait partie de ces hommes qui nous rappellent que l’ambiguïté des sentiments est sans issue.
Date de parution de l’édition collector : le 17 février 2016
Auteurs : François Dimberton (scénario) et Alexis Chabert (dessin)
Editeur : Jungle
Prix : 25 € (96 pages)
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