Georges de La Tour : le feu sous la cendre au musée Jacquemart-André

Gorges de La Tour : le feu sous la cendre au musée Jacqumart-André
Georges de La Tour, Le Nouveau-Né, vers 1645, huile sur toile, 76,7 x 95,5 cm, Rennes, musée des beaux-arts © Rennes, Musée des beaux-arts

Georges de La Tour : le feu sous la cendre au musée Jacquemart-André

Il y a des expositions qui parlent fort, et d’autres qui chuchotent. Celle-ci murmure.

Le musée Jacquemart-André, toujours habile à tisser des dialogues entre splendeur et intimité, accueille Georges de La Tour, ce peintre de l’effacement flamboyant, ce mystique provincial que la lumière a rendu immortel.

L’intimité du visible

Dès les premières salles, le visiteur est saisi par une clarté qui semble venir de l’intérieur des toiles : pas de soleil, pas de ciel — juste une flamme, un souffle, un secret. C’est une lumière qui n’éclaire pas le monde : elle l’interroge.

On croit connaître La Tour. On oublie qu’il fut d’abord un artisan obstiné, plus modeste que visionnaire, plus silencieux que spectaculaire. Ses saints et ses mendiants, ses Madeleine extatiques, ses vieillards qui mangent des pois : ce sont des figures sans drame, des héros d’une humanité retenue.

« Georges de La Tour. Entre ombre et lumière » est une exposition dont la force tient à sa vérité : vérité des figures, vérité de la lumière, vérité du silence. Elle ne désire pas impressionner mais inviter — à ralentir, à regarder, à entendre ce qui ne se dit pas. Dans le paysage souvent animé des grandes expositions parisiennes, elle propose un contre-point précieux : un peu de paix, un peu de mystère, un éclat dans les ténèbres.

Le clair-obscur ou l’art du doute

Mais dans cette humilité, il y a une tension inouïe — la lumière n’y est jamais décorative, elle est charnelle, terriblement humaine, presque douloureuse. Une chandelle éclaire un visage, mais aussi une âme.

La scénographie du musée épouse cette respiration : salles obscures, halos ténus, dialogues de toiles où le silence circule comme un souffle. L’ensemble invite moins à regarder qu’à méditer. Le visiteur ralentit. Enfin.

On a souvent dit de La Tour qu’il était « le Caravage lorrain », c’est réducteur. Là où Caravage provoque, La Tour apaise. Là où l’un éclabousse de sang, l’autre murmure de cendre. L’exposition, plutôt que de trancher, joue la carte du mystère : a-t-il voyagé en Italie ? S’est-il inspiré des caravagesques français ? Le commissariat ne tranche pas, et c’est bien ainsi. Le flou devient vertige, la zone d’ombre un hommage.

Pourquoi La Tour nous fascine-t-il tant encore aujourd’hui ? Parce qu’il parle notre langue : celle du silence dans le tumulte, celle de la lumière fragile dans la saturation du visible.

En un temps où tout s’expose, il peint ce qui se retire. En un temps d’images sans profondeur, il peint la patience du regard. Son œuvre, c’est une méditation lente à l’heure du scroll infini. Et cette exposition, nous rappelle que voir, c’est parfois cesser de regarder.

 Dates : du 11 septembre 2025 au 25 janvier 2026 – Lieu : Musée Jacquemart-André (Paris)

NOS NOTES ...
Intérêt
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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