Hofesh Shechter ou la danse indomptée à voir en direct
Pour l’artiste, Hofesh Shechter la danse est une affaire d’énergie et d’extrêmes : de la pénombre à la surexposition lumineuse, des harmonies lancinantes aux décharges sonores, de la danse libératrice à l’aliénation de la meute. Furieuse et incarnée, celle-ci alterne solos/duos et tableaux d’ensemble, en les braquant. Et elle s’accompagne toujours d’une musique tonique, voire tonitruante, entre rock sale et harmonies moyen-orientales, qu’il compose lui-même, en dialogue avec la musique.
«Ce n’est pas une pièce philosophique, prévient-il, c’est de la danse, alors ça revient toujours à l’énergie – et d’abord celle des danseurs qui évoquent un groupe d’adeptes enthousiastes ou de suiveurs soumis à des diktats opprimants.» Political Mother ce sont donc des enjeux de pouvoir et d’émulation qu’on retrouve tant dans l’arène politique que dans la cellule familiale, d’où le titre de la pièce. Political Mother carbure à l’ambiguïté des sentiments d’amour/haine, d’empathie/domination. «Ce qui est intéressant, c’est d’expérimenter les différences et les liens émotifs, et d’explorer le matériel gestuel, sonore et musical en rapport avec tout ça.»
Au-delà des mots
Shechter s’intéresse d’abord à ce qu’on peut apprendre humainement du langage brut de la danse, de la musique et de la performance scénique. Comment faire autrement quand les tensions à l’oeuvre dans le monde ne suivent elles-mêmes aucune logique? Quand on lui demande s’il y a plus de rage que de tendresse dans son travail, il formule le souhait que les deux s’équilibrent. Le «chaos massif» de sa pièce reste encore bien celui d’une ville écrasée sous les tirs des AK-47. La pièce parle de «destruction pour nous aider à nous concentrer sur les corps».
Son oeuvre n’a pourtant rien à voir avec la guerre, hormis peut-être les émotions radicales qu’elle brasse et qui tiraillent les humains. Mais Israël demeure après tout sa terre natale, coeur d’un déchirement géopolitique insondable. Il a aussi été formé à la Batsheva Dance Company d’Ohad Naharin, dont il se réclame encore aujourd’hui.
Sa danse en porte la marque, avec une influence marquée de Wim Vandekeybus (qu’il a côtoyé au sein de la Batsheva): physiquement puissante, tragique dans l’exultation, émanant d’un propos sociopolitique sous-jacent, latent, qui ne se manifeste jamais de manière logique ou littérale. Si quelques fragments de texte traversent Political Mother, il s’en sert «comme un écho».
Aujourd’hui, Shechter II, la compagnie junior qui donne pendant un an une expérience professionnelle à de jeunes talents venus du monde entier, propose une version révisée, sur un nouvel enregistrement de la musique évoquant, comme la danse, l’univers militaire autant que la fête populaire. Et les sujets de Political Mother – le totalitarisme et la violence idéologique – sont plus actuels que jamais.
4 DIRECTS sont proposés par le Théâtre de la Ville : c’est ici
samedi 26 décembre 16h en DIRECT
mardi 29 décembre 21h en DIRECT
samedi 2 janvier 11h en DIRECT
dimanche 3 janvier 22h en DIRECT