Le journal d’une femme de chambre resplendit à La Folie Théâtre
La pièce Journal d’une femme de chambre à La Folie Théâtre plonge les spectateurs dans une confession intime troublante et sans concessions. Derrière l’attitude respectueuse de façade se cache une femme de chambre au caractère bien trempé et qui exige le respect et la reconnaissance. Mention spéciale à une Karine Ventalon seule en scène qui ne se ménage ni dans ses effets ni dans sa sensualité. Le texte d’Octave Mirbeau vibre avec une belle intensité jusqu’à ébahir l’assistance.
La parole donnée aux sans grades
Loin des canons classiques de la littérature du XIXe siècle, Octave Mirbeau choisit de ne pas se concentrer sur des bourgeois confrontés à des problèmes de bourgeois. Il place son curseur sur Célestine, une femme de chambre dévouée mais peu avare en réflexions sur les moeurs de ses maitres. Elle lit les pages de son cahier intime pour faire revivre une existence au service de riches propriétaires désireux de se débarrasser des problèmes de quotidien. Service à table, ménage, blanchisserie, l’héroïne ne passe rien sous silence tout en brossant les portraits psychologiques croustillants d’une classe sociale en fin de règne. La Première Guerre Mondiale balayera ce vieux monde moribond et décadent. En attendant ce coup de torchon, Célestine se bat avec ses armes: une séduction discrète mais aguichante, une sincérité autant dans les critiques que les compliments et surtout l’ambition de devenir sa propre patronne.
Une comédienne sur tous les fronts
Pour faire revivre une époque antédiluvienne, Karine Ventalon incarne Célestine avec une énergie folle. Vocalises et pas de danses illustrent ses multiples talents tandis que ses talents d’imitatrice font revivre la galerie de personnages que côtoie la femme de chambre. Tantôt voutée ou au contraire droite dans ses bottes, elle revêt les oripeaux du mari dominé ou du rejeton insolent avec une grâce peu commune. Le rythme ne ralentit que pour les intermèdes entre les scènes et les déclarations émouvantes sur les espoirs de l’héroïne et l’accablement de son existence rustre. Une valise seule lui sert de compagnon de scène. Remplie de menus accessoires, cet objet illustre la rugosité d’une vie passée au service de gens souvent indélicats et peu reconnaissants.
Magnifiquement servi par Jeanne Moreau dans le film bien connu de Luis Bunuel ou récemment par Léa Seydoux chez Benoit Jacquot, le texte recèle d’une force qui ne faiblit pas avec les années. La mise en scène elliptique de William Malatrat laisse la place principale à une comédienne qui illumine ce moment de théâtre pour une belle réussite poignante et convaincante.
Dates : Jusqu’au 4 mars 2017, 19h30 vendredi et samedi
Lieu : A la Folie Théâtre (Paris)
Metteur en scène : William Malatrat
Avec : Karine Ventalon