La lassitude guette avec une île aux chiens sans vraiment d’originalité
Les chiens sont atteints d’une affection apparemment incurable et sont déportés en masse sur une île voisine de la mégalopole de Mégasaki pour finir leurs jours loin de la population japonaise. Le pitch de L’île aux chiens détonne comme souvent chez Wes Anderson et le traitement par stop motion déjà utilisé dans Fantastic Mr Fox donne au film des faux airs de série Z assumée, un peu comme un nouvel épisode de Godzilla. Pas d’animation parfaite à la Pixar, les cabots ressemblent à des balais brosses usagés et les humains ont des airs de poupée de cire. L’esthétique est léchée comme toujours chez le réalisateur et il faut une bonne dose de candeur pour accrocher à un film imparfait et drôle qu’à l’occasion. Car la farce cocasse manque d’ampleur et d’humour pour véritablement convaincre.
Un exercice de style vain
Wes Anderson s’est imposé depuis plus d’une décennie comme un réalisateur marquant de notre époque. Sa manie du cadrage géométrique, ses historiettes douces amères faussement désuètes et vraiment kitch ainsi que son humour furieusement féroce ont d’abord dérouté le public avant de coller au réalisateur une énorme cote d’amour que le véritable plébiscite pour le récent Grand Budapest Hotel n’a pas démenti. Seulement le maniérisme de Wes Anderson est clivant, apportant l’adhésion ou suscitant le rejet, et ce n’est pas l’île aux chiens qui va changer la donne. Car le réalisateur s’enferme dans son système et creuse le sillon de son style si particulier, rejetant apparemment toute évolution. Se répète-t-il incessamment avec le risque de lasser? Peut être bien. Car tous les codes habituels sont bel et bien présents dans le film, autant visuellement que scénaristiquement. A la différence que les chiens parlent et se comportent comme des humains. L’aventure du jeune Atari, 12 ans, aidé par une bande de chiens dans la quête de son toutou perdu suscite d’abord une attente qui s’étiole face à l’imparable constat que rien ne remplace les expressions du visage humain pour susciter l’émotion. Voir les marionnettes le plus souvent presque figées dans une volonté de créer un décalage entre les propos et l’image ne tient pas tout le film durant. Et les voix languides d’acteurs illustres autant en VF qu’en VO ne suffisent pas non plus. L’affiche résume bien le contenu du film. Le spectateur est fixé tout du long avec la désagréable sensation d’être pourtant exclu, le coupant de toute empathie.
Des chiens sans chien
Là où les films joués par des acteurs demandent de vraies performances pour justement ne pas trop appuyer la caricature, les marionnettes sont confrontées à leurs limites. Les poils bougent à l’occasion, les yeux semblent converger ou diverger sans cesse, les visages rougissent pour exprimer la colère, les procédés son répétitifs et quasi robotiques. Au bout de 30 minutes, le spectateur a compris la magie des effets et le scénario n’aide en rien à se rattacher à une bouée de sauvetage. Le constat est là, les chiens apparemment détachés de leur quête ne suscitent pas l’émotion et les tentatives d’humour sont elles aussi trop répétitives quand elles ont lieu. Le film n’est en fait pas une comédie mais un conte à l’ancienne avec une maxime comme celles destinées aux petits enfants. L’innocence doit vaincre la méchanceté du monde et les chiens sont nos amis, c’est un peu juste pour un film d’1h41. Alors certes le film est charmant et les intentions du réalisateur sont louables, mais le résultat pourra hélas ennuyer ceux qui en attendaient un peu plus.
L’île aux chiens est une sorte de rendez-vous manqué avec un réalisateur peut être arrivé aux limites de son système. Evoluer ou lasser, le choix lui appartient pour passer à une autre étape de sa carrière et continuer d’innover.
En raison d’une épidémie de grippe canine, le maire de Megasaki ordonne la mise en quarantaine de tous les chiens de la ville, envoyés sur une île qui devient alors l’Ile aux Chiens. Le jeune Atari, 12 ans, vole un avion et se rend sur l’île pour rechercher son fidèle compagnon, Spots. Aidé par une bande de cinq chiens intrépides et attachants, il découvre une conspiration qui menace la ville.
Sortie : le 11 avril 2018
Durée : 1h41
Réalisateur : Wes Anderson
Avec : Vincent Lindon, Isabelle Huppert, Romain Duris
Genre : Animation, Aventure