La nuit a mangé le ciel, Prix littéraire Matmut 2018 (Denoël)
Gauthier Steyer écrit son premier roman : La nuit a mangé le ciel. Et le succès est déjà là puisqu’il vient de se voir attribuer le Prix littéraire Matmut 2018 ! Un grand bravo à Gauthier Steyer qui est éducateur spécialisé à La Réunion.
L’histoire tragique de Juanito
Dans le roman La nuit a mangé le ciel, Juanito nous raconte son histoire. Ou plutôt, il nous la confie. Juanito a onze ans. La première phrase du roman nous donne le ton :
« A onze ans, j’ai foutu le con ».
Et tout au long du roman, le lecteur va suivre, avec angoisse le petit Juanito. Mais aussi avec humour ! Il n’a pas envie de mourir. Et pourtant il va se couper les veines, juste pour voir ce que ça fait… Il faut bien comprendre la situation de Juanito. Il a été placé dans une famille d’accueil sans en comprendre les raisons. Les services sociaux en ont décidé ainsi. Il était bien avec sa mère, dans son quartier de La Marmite. En plus, sa mère, elle n’a que lui pour lui soigner ses pieds. Il est très mal le petit Juanito sans sa mère. Et très malheureux dans sa famille d’accueil. Du coup, il va faire plein de bêtises et se retrouver dans des situations de plus en plus dramatiques.
Peur de rien
Juanito n’a peur de rien. Il est prêt à tout pour rentrer chez lui, retourner près de sa mère. Il va fuguer, être retrouvé et encore fuguer. Et comme il sera enfin heureux de se nicher dans les bras de sa mère ! Le vrai bonheur.
A travers Juanito, le lecteur découvre la vie difficile des jeunes placés en famille d’accueil ou en foyer. Les prises en charge de cet enfant sont souvent à côté de la plaque. Au lieu d’aider l’enfant à s’en sortir, on a l’impression que tout est fait pour l’enfoncer davantage dans son malheur, jusqu’à en devenir fou.
Un roman proche de la réalité
La nuit a mangé le ciel est un roman poignant car on sait que l’auteur connaît bien le milieu étant lui-même éducateur spécialisé. Même si Juanito n’existe pas, il représente des dizaines d’enfants, « des milliers d’enfants, ces gosses de l’Assistance, cette racaille, ces cas soc’ devenus des hommes et des femmes ».
Tout le monde sait que la mère est indispensable à tout enfant et que ce sera toujours sa quête éternelle. La souffrance de Juanito devient de plus en plus insupportable tout au long du roman.
La nuit a mangé le ciel, un très beau premier roman, poignant et écrit avec beaucoup d’humour !
Préface de Philippe Labro
J’ai posé le front contre la vitre et j’ai regardé les images dehors. On remontait le temps. Il y avait d’abord que le vert des arbres qui se barraient à fond la caisse en sens inverse. Puis très vite, j’ai commencé à y voir plus clair. La forêt a laissé place à des prés, à des champs, bien carrés, bien découpés, avec de belles lignes droites. C’était déjà moins la jungle, avec de grands pylônes électriques au fond, comme il y en a dans la zone à côté de ma cité. Même les couleurs étaient plus nettes, plus propres. Puis les premiers immeubles ont pointé le bout de leurs derniers étages, il y avait de plus en plus de bagnoles sur la grande route, ça commençait à sentir le béton et le goudron. La ville était là. C’était trop bon de rentrer chez soi.
Trimbalé de foyer en famille d’accueil, Juanito, onze ans, refuse l’étiquette de «cas soc’» qui lui colle à la peau et n’a qu’une idée, retrouver la Marmite, la cité où il a grandi.