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La rave party d’Hofesh Shechter possédée par les danseurs de l’Opéra de Paris

La rave party d'Hofesh Shechter possédée par les danseurs de l’Opéra de Paris
« Red Carpet », d’Hofesh Shechter. Photo Julien Benhamou/OnP

La rave party d’Hofesh Shechter possédée par les danseurs de l’Opéra de Paris

C’est une onde de choc. Un souffle collectif. Une fête tribale dans l’écrin ciselé du Palais Garnier. Avec « Red Carpet », sa première création originale pour le Ballet de l’Opéra de Paris, le chorégraphe israélien Hofesh Shechter livre un objet scénique incandescent et percutant, mêlant pulsation organique et sensualité chorégraphique. Un vertige absolu !

Treize danseurs traversent la scène comme possédés par la musique, le rythme, la mémoire et le désir. Dès les premières secondes, les rideaux rouges s’ouvrent sur une image et une salle transfigurée : un quatuor en live installe une texture sonore dense, signée par Shechter et son complice Yaron Engler. Violoncelle, cuivre, contrebasse et batterie fusionnent dans une partition qui évoque tour à tour le free jazz, les cadences méditerranéennes et les nappes électroniques d’une rave en apnée. La musique devient le sol de la danse, son impulsion viscérale et implacable.

Percussions tribales, nappes électroniques, distorsions saturées. À plusieurs reprises, les beats s’arrêtent net, laissant place à un silence coupant, presque plus violent que le tumulte. Le son devient alors un espace mental, une architecture invisible dans laquelle les corps tentent de s’extirper.

Les danseurs de l’Opéra sont époustouflants. Ils sont possédés par le vocabulaire de Shechter. Où dans cette immersion, leurs corps s’ancrent ici dans le sol, lâchent le maintien vertical, et embrassent le désordre avec une physicalité totale et de tous les instants.

Entre glamour et farce grotesque

L’environnement scénique, luxueux et théâtral, évoque les fantômes de soirées mondaines, où les rires cachent parfois des drames intimes. Le lustre qui descend lentement, clin d’œil au Foyer de la danse du Palais Garnier, ajoute une touche de féérie à ce chaos organisé. Les costumes signés Chanel participent à la plastique flamboyante du spectacle, sublimant la gestuelle des interprètes. Car Red Carpet est une fête qui ne craint pas de montrer ses blessures.

Le mouvement, ancré dans le sol, s’exprime par des impulsions fortes, des sauts, des chutes et des rebonds, où chaque danseur semble repousser la terre pour mieux bousculer l’espace. Les corps évoluent en tribu organique, tantôt unis, tantôt en opposition, créant une dynamique de groupe percutante et déstructurée. C’est toute la signature du chorégraphe : une danse organique, physique, volcanique, électrisée de tension, où l’intensité surgit dans l’abandon.

Les interprètes d’une possession tonitruante sont portés par une énergie presque chamanique. Chez Shechter, pas de hiérarchie ni de virtuosité ostentatoire : le collectif prime, pulsant comme un seul cœur. Le geste est syncopé, terrien, nerveux — à la fois ancré et en suspension. Des fragments de folklore, des éclats sensuels, des spasmes presque tribaux construisent un langage corporel profondément physique, habité.

Le plateau et son fondu noir à l’abri de costumes clinquants, podiums mouvants, lustres démesurés, se joue des codes du luxe, de la fête, et de l’apparat. Car derrière les références à la mode et aux années folles, se glisse une esthétique punk et baroque, faite de décalages et de vertiges. L’Opéra devient un cabaret halluciné, un espace à la fois intime et spectaculaire, entre extase, perdition et effondrement.

Mais après l’effusion et dans un silence suspendu, une nouvelle sensation se fait jour où des corps fatigués s’adossent au rideau fermé, le regard tourné vers le public. Pour une vulnérabilité enfin démasquée. Et avant que la danse ne reparte, impulsive, planante, mais comme si la fête devait reprendre autrement et dans une dimension différente.

« Red Carpet » est ici traversé par la mémoire intime de son auteur : les danses populaires de son enfance à Jérusalem, la série Fame, la fête comme échappatoire envers et contre tout. C’est cette matière autobiographique, filtrée par une esthétique brute et démultipliée, qui donne à la pièce sa ferveur singulière. Shechter mêle rage et tendresse, tension et abandon, dans une déclaration d’amour à la scène et à son univers fantasmagorique. Du grand art. 

 Dates : du 10 juin au 14 juillet 2025 – Lieu : Palais Garnier (Paris)
Chorégraphe : Hofesh Shechter

NOS NOTES ...
Originalité
Chorégraphie
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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