Un huis clos tendu et puissant avec L’araignée au Studio Hébertot

Le Studio Hebertot laisse la place à la grande histoire avec L’araignée. Au XVIe siècle, le Saint Empire romain germanique domine l’Europe. Fondé par Otton Ier le Grand en 962, il comprend les royaumes de Germanie, d’Italie et, à partir de 1032, celui de Bourgogne. Il ne fut dissous qu’en 1806. Alors que Charles Quint est encore un jeune souverain ambitieux, il doit faire face à la renommée grandissante du docteur en théologie Martin Luther, décidé à combattre la décadence de l’église romaine. La pièce est une admirable passe d’armes entre 2 grands bretteurs, l’empereur et le réformateur, le premier tenant du pouvoir terrestre de l’église, le second décidé à une réforme profonde. Assez peu connue dans nos contrées, cette anecdote (fausse?) donne en tout cas lieu à une pièce hautement captivante.

Une pièce quasi scientifique

Un peu d’histoire tout d’abord puisque la pièce se déroule en 1521. La réforme protestante occasionne alors une division de la foi qui a un effet désintégrant sur l’Empire et fait craindre une guerre civile. Combattant le système des indulgences, Luther s’érige en champion de la vraie foi. L’Edit de Worms de 1521 le met au ban de l’Empire. L’Édit n’offre encore aucune possibilité de mener une politique favorable à la Réforme alors que le soutien du peuple se fait de plus en plus bruyant. Cette situation n’est satisfaisante pour aucune des deux parties. Le camp protestant ne dispose d’aucune sécurité juridique et vit dans la crainte d’une guerre de religion. Le camp catholique, en particulier l’empereur, ne veut pas d’une division religieuse durable. La pièce est un huis clos autour d’une table. 2 chaises, 2 verres et une ambiance très sombre entourent les 2 protagonistes. L’empereur est vêtu d’un costume et d’une chemise blanche, cheveux gominés en arrière qui font ressembler le très convaincant Jean-Nicolas Gaitte à Colin Farrell dans Miami Vice, très classe et déterminé. Maxime Gleizes est un Martin Luther non moins convaincant, figurant un moine non point glabre comme il est souvent représenté sur les gravures, mais barbu et vêtu d’un haut de survêtement rappelant l’habit de moine. La rencontre nocturne est secrète et mal comprise au départ. La pièce laisse planer le doute sur la place centrale du second dans l’histoire, à l’origine de la fondation de l’Église protestante, dont la doctrine a rompu radicalement avec le catholicisme, ce pourquoi il s’est détaché de l’autorité du pape avec une diffusion rapide du protestantisme, notamment en Allemagne. Une légère connaissance du contexte historique est souhaitable mais non point obligatoire. Les discussions brossent un portrait large de l’époque, avec la découverte des richesses du nouveau monde, la menace ottomane de plus en plus présente à l’est et un empire fissuré. Les discussions visent pour Charles Quint à faire abdiquer Martin Luther, ce qu’il ne fera pas comme le montre bien l’histoire avec l’Édit de Worms promulgué le 25 mai 1521 par l’empereur Charles Quint pour interdire le luthéranisme.

La rencontre a peut être eu lieu dans la réalité, ou pas, l’intérêt tient dans cet affrontement entre 2 personnages centraux de l’histoire européenne, avec une mise en scène très moderne. Néons, musique indus, mouvements désordonnés, le rendez-vous tient presque d’une rencontre mafieuse entre 2 chefs rivaux. Cette manière de moderniser la grande histoire est fascinante et n’enlève rien à la vérité historique. Quant à l’araignée, c’est une métaphore quasi psychanalytique des peurs enfouies qui ne demandent qu’à ressortir, quitte à obscurcir le jugement. Une pièce à découvrir au Studio Hébertot jusqu’au 4 avril 2023 les lundis et mardis à 19h et le dimanche à 17h!

Synopsis: 1521. Le jeune Charles Quint a pris les rênes du pouvoir du Saint Empire romain germanique dont l’unité se trouve soudain menacée par la révolte du moine Martin Luther. Il faudra entre eux deux, une discussion à l’abri des regards. Ils devront avec acharnement, confronter leurs certitudes et leurs angoisses

NOS NOTES ...
Originalité
Mise en scène
Jeu des comédiens
Plaisir de la pièce
Stanislas Claude
Rédacteur ciné, théâtre, musique, BD, expos, parisien de vie, culturaddict de coeur. Fondateur et responsable du site Culturaddict, rédacteur sur le site lifestyle Gentleman moderne. Stanislas a le statut d'érudit sur Publik’Art.
laraignee-au-studio-hebertot Le Studio Hebertot laisse la place à la grande histoire avec L'araignée. Au XVIe siècle, le Saint Empire romain germanique domine l'Europe. Fondé par Otton Ier le Grand en 962, il comprend les royaumes de Germanie, d'Italie et, à partir de 1032, celui de Bourgogne....

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