Laurent Lafitte dans « La Cage aux folles » au Châtelet : la consécration d’un artiste total
Il fallait que « La Cage aux folles » s’invite au Théâtre du Châtelet car la salle aime les éclats et Olivier Py les défis.
Cette nouvelle production, portée par un Laurent Lafitte en état de grâce, assume parfaitement ce double héritage : celui d’un spectacle festif, et celui d’une œuvre dont la légèreté n’a jamais masqué l’aspiration à la liberté.
Laurent Lafitte en diva impériale mais pas que !
Dans le rôle d’Albin/Zaza, Laurent Lafitte se tient exactement là où peu d’acteurs osent aller : entre l’incandescence et la fragilité. Il ne cherche pas la performance, il cherche la vérité — et la trouve pleinement.
Son Albin, anxieux, tendre, presque timide, se transforme, sous les projecteurs, en Zaza impérieuse, reine falote et fièrement vulnérable.
Lorsqu’il entonne le grand air final, il ne s’agit plus de cabaret mais d’un moment de théâtre pur : un basculement où le personnage semble mesurer sa vie dans chaque note. Lafitte livre un rôle-somme, où l’ironie protège l’émotion sans jamais l’endiguer.
Olivier Py : un cabaret comme chambre d’échos
Que faire d’un musical aussi codé que « La Cage aujourd’hui » ? Olivier Py a choisi de tout embrasser : les plumes, les paillettes, les numéros, les tensions familiales, la part politique aussi — sans jamais les isoler les uns des autres. Sa mise en scène avance avec une précision d’orfèvrerie.
Le cabaret devient un lieu total, accueillant ses coulisses, sa rue, son envers et ses illusions dans un même geste. On passe d’une loge encore humide de maquillage à une plage nocturne avec un naturel déconcertant : le spectaculaire se fait fluide, dessiné pour mieux révéler ce qui se joue entre les êtres
Le metteur en scène signe ici une partition visuelle qui ne cherche pas la sophistication : elle la possède déjà, par nécessité. La beauté vient du mouvement, du rythme, de ce rapport assumé entre l’ébahissement et la pudeur. Sa fluidité, son intelligence, son amplitude sans être tapageuse, font le reste.
La réussite du spectacle tient aussi à une distribution finement pensée et d’une harmonie totale. Damien Bigourdan, en Georges, offre un contrepoint subtil à Lafitte : un homme droit, sincère, parfois dépassé, mais d’une fidélité presque douloureuse. Leur duo trouve un équilibre rare : celui d’un couple rompu à l’amour comme à la dispute, dont chaque geste dit l’usure mais aussi la tenue
Emeric Payet campe un Jacob irrésistible, mélange explosif d’insolence et de précision comique. Harold Simon donne à Jean-Michel une honnêteté touchante. Gilles Vajou et Emeline Bayart, en Dindon, s’amusent des caricatures bourgeoises avec une cruauté délicieuse, cette dernière maîtrisant particulièrement l’art du détail expressif.
Lara Neumann et Maë-Lingh Nguyen complètent l’équipe avec une élégance et une justesse qui permettent au spectacle de respirer et de ne jamais basculer dans la saturation. Quant aux Cagelles, elles forment un chœur dansé à la fois sensuel, impertinent et redoutablement précis. Elles donnent au show son élan vital et sa capacité à réinventer le délire de la scène.
L’orchestre, dans une configuration volontairement allégée, trouve un juste équilibre : assez de nervosité pour soutenir les numéros, assez de finesse pour laisser respirer les voix. On y entend une intelligence du rythme, un sens du théâtre, une attention constante à la dynamique du plateau.
La force de cette production est de ne jamais forcer le trait politique. Py l’inscrit dans le mouvement, dans l’écriture scénique, dans la manière dont le couple Albin-Georges se tient debout malgré tout.
Le propos n’est pas asséné : il affleure, comme une évidence. « La Cage aux folles » rappelle ainsi que la liberté n’est pas un manifeste mais un usage quotidien — celui de vivre, d’aimer, d’assumer son identité malgré les angles morts de l’intolérance.
Un spectacle féérique, généreux, tenu avec maîtrise où Laurent Lafitte y livre un de ses rôles les plus habités. « Une Cage aux folles » qui, sans renier sa dimension populaire, retrouve une précision, une émotion et une vision contemporaine.
Dates : du 5 décembre 2025 au 10 janvier 2026 – Lieu : Théâtre du Châtelet (Paris)
Mise en scène : Olivier Py
![[Manga] Pompoko débarque en anime comics chez Glénat 🐾 !](https://publikart.net/wp-content/uploads/2025/12/9782344071007-001-x-218x150.webp)
![[Manga] Pompoko débarque en anime comics chez Glénat 🐾 !](https://publikart.net/wp-content/uploads/2025/12/9782344071007-001-x-100x70.webp)
