L’Avaleur au révélateur du capitalisme le plus débridé
Robin Renucci met en scène la pièce Other people’s money de Jerry Sterner à la Maison des Métallos pour une savoureuse comédie humaine. Quand un insatiable trader londonien prend pour cible une honorable compagnie française de câblage engoncée dans son train train immémorial, les caractères se font jour. Au delà de la critique d’un capitalisme sans foi ni loi, c’est la nature humaine qui est passée au révélateur de l’argent et des intérêts particuliers. L’ère des aventures collectives a fait long feu, voici venu le temps de l’individualisme. La pièce fascine tout du long par ses outrances et son cynisme assumé pour un moment de théâtre jubilatoire.
Une mise en scène cartoonesque…
Les 5 comédiens accueillent le public nombreux pour un avertissement sans frais à garder à l’esprit. Par delà la caricature et les looks cartoonesques des personnages, la pièce se veut de la plus pure vérité. Commence alors un petit théâtre de la vie qui va confronter les tenants de la vieille école humaniste et les requins de la finance internationale victorieuse. Car la logique des affaires a changé et il ne s’agit plus de faire des affaires pour faire vivre les êtres humains mais de valoriser pour encaisser le plus rapidement possible les sommes les plus folles. L’auteur de la pièce Jerry Sterner était autant homme d’affaires que dramaturge. Il a du lui même côtoyer de ces personnages diamétralement opposés. Le PDG et sa fidèle assistante croient en l’intérêt général, désireux d’assurer la pérennité de leur entreprise pour le bien collectif. Face à eux, le séduisant Franck Kafaim assume ses excès autant que sa cupidité. Le metteur en scène insiste sur son appétit de vie dans tous les domaines. Epicurien bedonnant et requin insatiable, il fascine comme le serpent de la bible.
… et jubilatoire
L’Avaleur se veut une satire des moeurs financières mais n’oublie pas de pointer du doigt les petites lâchetés humaines qui créent l’aveuglement ou l’envoutement. Avec leurs perruques et leurs costumes chatoyants, les personnages pourraient prêter à la plaisanterie s’ils ne cachaient pas eux de profondes convictions. L’intrigue monte crescendo jusqu’au drame final, ou le dénouement heureux selon les points de vue. La pièce ne tranche jamais vraiment, laissant chacun se faire son opinions. L’Avaleur évoque surtout l’évolution du terme capitalisme à travers les âges. Autrefois synonyme de mise en œuvre de moyens de production par des travailleurs qui n’en sont pas propriétaires, le terme va au delà du marxisme car il n’est plus besoin d’exploiter les travailleurs pour obtenir des plus-values. Le capitalisme satisfait enfin le désir de reconnaissance, qui est l’essence absolue de l’Homme, par l’utilisation d’un capitalisme débridé à ses propres fins. Cet Avaleur fait réfléchir sur le rapport de l’homme avec ses semblables. Franck Kafaim rappelle le Walter Gekko du film d’Oliver Stone en ne cessant de clamer de tout son être que Greed is good. Comme si les temps n’avaient pas changé depuis les années 80.
L’Avaleur fait marcher autant l’esprit que les zygomatiques pour un moment de théâtre pénétrant. Pas de poésie ni de philosophie, juste des personnages qui interrogent sur notre monde réel avec une fine observation de l’humanité.
Dates : du 31 janvier au 18 février 2017
Lieu : Maison des Métallos (Paris)
Metteur en scène : Robin Renucci
Avec : Nadine Darmon, Marilyne Fontaine, Xavier Gallais, Robin Renucci, Jean-Marie Winling