Le barrage a été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2022. Le premier long-métrage de l’artiste plasticien libanais Ali Cherri interroge sur la situation sociale de ceux qui travaillent sur un grand chantier au Soudan. Il filme les paysages et questionne la violence de populations plongées dans le dénuement.
La situation d’états sans vraie stabilité
L’Afrique connait actuellement des bouleversements géopolitiques incessants. Le film a d’ailleurs été réalisé en pleine révolution soudanaise, les radios bruissent des dernières nouvelles et des incessantes péripéties. Le titre Le Barrage n’est d’ailleurs pas choisi au hasard. Cet édifice grandiose contraint les forces de la nature, modifie le cours de fleuves et organise le flux de la ressource naturelle la plus essentielle à l’homme, l’eau. Mais le film montre surtout que le barrage a des effets destructeurs sur les populations, contraignant les populations au départ, souvent contraint et forcé. La caméra du réalisateur suit les personnages, en premier lieu Maher, ouvrier dans une briqueterie traditionnelle dont l’existence dépend essentiellement du grand Nil. Le film suit ses pérégrinations nocturnes dans le désert où il bâtit un édifice mystérieux fait de boue. En même temps que la révolution bat son plein, la structure semble s’adresser à lui. Le film est rempli de symboliques difficiles à appréhender pour qui connait peu ou mal la culture locale. Le film est une partie intégrante du travail au long cours du réalisateur consacré à ce qu’il nomme les géographies de violence ou les paysages de violence. Par son travail, il souhaite détailler les processus qui mènent à la violence, que ce soit par des canaux politiques, sociaux ou géopolitiques. Les 2 autres volets de la trilogie sont les courts-métrages The Disquiet (L’Intranquille, tourné au Liban autour de la question des tremblements de terre) et The Digger (Le Creuseur, filmé sur un site archéologique dans le désert aux Émirats Arabes Unis, qui questionne la construction des récits historiques sur lesquels une nation essaie de se fonder). Le Barrage a été tourné à proximité du barrage de Merowe, bâti par les Chinois au Nord Soudan. Le film fait apparaitre en filigrane les effets destructeurs du barrage sur l’environnement mais aussi la violence causée par ce projet ressentir comme néfaste par la population. Le renversement du dictateur Omar el-Bechir a perturbé le début du tournage mais le réalisateur n’a jamais voulu abandonner.
Le barrage est un film au sujet fort, il parle de l’époque actuelle et des difficultés à appréhender le futur. Sa sortie en DVD est le moment de le découvrir.
Synopsis: Soudan, près du barrage de Merowe. Maher travaille dans une briqueterie traditionnelle alimentée par les eaux du Nil. Chaque soir, il s’aventure en secret dans le désert, pour bâtir une mystérieuse construction faite de boue. Alors que les soudanais se soulèvent pour réclamer leur liberté, sa création semble prendre vie…