Un adieu en fanfare au TCE pour Michel Franck avec une adaptation audacieuse du Chevalier à la Rose

A la tête depuis 2020 du Théâtre des Champs-Elysées, Michel Franck a pris congé de l’institution de l’avenue Montaigne en programmant une de ses oeuvres favorites, Le Chevalier à la Rose de Richard Strauss. Avec Krzysztof Warlikowski à la mise en scène, l’opéra ressemble souvent à un soap américain chamarré peuplé de personnages fantasques et hauts en couleur. Véronique Gens dans le rôle de la Maréchale a tenu la barre avec brio et Niam O’Sullivan, remplaçante de Marina Viotti dans le rôle travesti d’Octavian, a montré tout son talent dans une adaptation qui ne laisse personne indifférent.

De l’outrance à tous les étages

La Vienne du XIXe siècle perd quelque peu de son classicisme suranné dans la mise en scène du polonais Warlikowski. Les couleurs sont criardes, les attitudes sont provocatrices, les intentions sont subversives, le résultat est furieusement ambigu. L’action est transposée dans notre monde actuel avec l’adjonction de problématiques qui n’avaient pas cours à l’époque de Strauss. La comédie burlesque chère à Hugo von Hofmannsthal et la réflexion sur une époque dorée destinée à disparaitre sont densifiées avec un parti pris osé fait de problématiques modernes. Les questions sur la domination masculine et le patriarcat toxique sont abordées pour évoquer les inégalités sociales et le racisme, sans travestir le texte mais pour une proposition pleine de fantaisie douce-amère. Les impondérables de la Vienne d’antan sont évidemment de la partie, avec ses immanquables valses et ses jeux d’apparence dérisoires. La scénographie de Malgorzata Szczesniak reproduit l’intérieur du Studio des Champs-Élysées voisin pour un clin d’oeil qui n’échappe à personne. L’écran qui apparait à intervalles réguliers ajoute une dimension cinématographique qui densifie la narration. Le chef Henrik Nánási est à la baguette pour une partition musicale énergique et vitupérante. Cuivres et cordes vrombissent à un niveau sonore qui colle à l’action et aux interprètes vocaux pleins de passion. La prestation très attendue de Véronique Gens ne souffre d’aucune contestation, d’abord triomphante et finalement résignée face aux coups de boutoir des conventions sociales. Les performances vocales de la distribution sont au diapason de la musique du compositeur pour un moment lyrique palpitant. Si on ajoute en plus les performances impeccables du Chœur Unikanti et de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, il n’y a finalement pas grand chose à reprendre dans cette adaptation du Chevalier à la Rose.

Si les intentions du metteur en scène n’ont visiblement pas plu à tout le monde, il reste de ce moment lyrique une vraie patte pleine d’audace et des interprètes qui ont montré toute l’étendue de leur talent.

Synopsis: Bien que l’on sache que Gabriel Astruc avait envisagé de présenter au public parisien Le Chevalier à la rose dès la saison d’ouverture au printemps 1913, ce vœu initial fit les frais de la programmation dispendieuse du fondateur qui dut finalement y renoncer. L’ouvrage n’y apparaîtra qu’en 1937 avec les forces de l’Opéra de Berlin sous la direction de Clemens Kraus et avec Viorica Ursuleac, l’une des interprètes favorites du compositeur, en Maréchale. L’ouvrage marque un tournant dans la carrière de Strauss. Après les « errances et fureurs » de Saloméet ElektraLe Chevalier revient à la tradition viennoise de l’opéra de caractère. A l’origine, le personnage de La Maréchale, qu’Octavian délaisse pour Sophie, n’y jouait qu’un rôle secondaire mais progressivement, il prit une telle importante qu’il devint présent tout au long du premier acte et finit par dominer, même absent, l’ouvrage tout entier. On est ainsi passé d’une allègre comédie de mœurs à une réflexion sur le temps et sur le caractère éphémère des sentiments. Le Chevalier incarne le désarroi moral d’une époque qui se sait agonisante malgré ses sourires et ses bonnes manières. Quelques décennies plus tard, Capriccio empruntera le même chemin nostalgique du XVIIIesiècle, véritable Olympe du musicien. Ne doutons pas que Krzysztof Warlikowski apportera sa vision dramaturgique unique à ce chef-d’œuvre du répertoire lyrique du XXe siècle et que l’Orchestre National de France sous la baguette de Henrik Nánási portera haut toute la somptuosité des couleurs straussiennes.

NOUVELLE PRODUCTION
Production Théâtre des Champs-Elysées
France Musique diffuse cet opéra samedi 5 juillet 2025 à 20h

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