Le choc Don’t Worry, He won’t get far on foot
Gus Van Sant réalise avec Don’t Worry, He won’t get far on foot un des films les plus émouvants de ce début d’année 2018. En adaptant l’existence tragicomique du dessinateur handicapé ex-alcoolique John Callahan, il offre à Joaquin Phoenix un nouveau rôle sur-mesure au milieu d’un casting au diapason. Les 2h du film bousculent, agacent, subjuguent, irritent, ébranlent et font passer par un large spectre d’émotions qui requièrent certes une bonne endurance mais ne peuvent finalement pas laisser indifférent. Le film s’adresse autant à l’intellect qu’au coeur pour un véritable moment d’enchantement cinématographique.
Une biographie sans filtres
Le dessinateur de cartoon John Callahan est assez peu connu dans nos contrées. Il a pourtant connu une énorme notoriété outre-atlantique dans les années 70 avec ses instantanés féroces mettant en scène les minorités les plus diverses dans des postures peu reluisantes, se permettant de taper tout azimut sans retenue aucune. Il est vrai qu’étant lui-même tétraplégique suite à un accident de voiture survenu en 1972, conséquence directe de son alcoolisme compulsif, il n’avait peur ni des critiques ni des réactions hostiles. Gus Van Sant adapte l’ouvrage autobiographique publié en 1990 par un homme passé par toutes les phases du désespoir et de la réhabilitation intérieure. Abandonné par sa mère à la naissance, John Callahan a la chance d’être adopté très tôt par un couple vivant à proximité de Portland. Mais un sentiment d’abandon persistant le fera devenir alcoolique très tôt, dès ses 13 ans, jusqu’à le faire agir sans discernement jusqu’à la conséquence tragique d’un accident survenu sous forte dépendance éthylique. Devenu tétraplégique, il n’en restera pas moins dépendant à la bouteille jusqu’à 1978 et une longue expérience rédemptrice chez les Alcooliques Anonymes. Requinqué, John Callahan redécouvre ses talents de dessinateur et croque la société américaine avec humour et pertinence dans des saynètes qui n’épargnent personne et lui feront connaitre une célébrité inattendue.
Un biopic parfait
Avec ses cheveux teints en roux pour personnifier un personnage à l’évidente ascendance irlandaise, Joaquin Phoenix reste d’un naturel confondant. Que ce soit droit sur ses jambes ou vissé à son fauteuil roulant électrique, il attire le spectateur comme toujours dans ses prestations. Que ce soit dans A Beautiful Day ou Marie-Madeleine, l’acteur a démontré récemment qu’il n’a toujours pas perdu la main. Ses expressions limitées en tétraplégique sérieusement diminué laissent voir l’étendue de ses talents pour rentrer dans la peau du personnage et toucher le spectateur. A ses côtés, le casting est impressionnant. Rooney Mara sourit enfin en visiteuse suédoise charmante et avenante, un vrai ange tombé du ciel. Gus Van Sant fait un focus fascinant sur les séances des AA. Jonah Hill est éblouissant en chef de centre riche, barbu, chevelu, homosexuel et toujours prêt à dire tout ce qu’il pense sans détours, avec humour mais pas sans pertinence. Les chanteuses Beth Diddo et Kim Gordon font des alcooliques très crédibles et Jack Black fait un ami lui aussi sévèrement barré. La magie opère grâce à des rapports sans barrières entre les personnages, tout le monde ouvre son coeur pour expurger des rages intérieures qui feraient frémir le commun des mortels. Le film semble se dérouler dans un monde parallèle pourtant situé en plein coeur de notre univers.
Don’t Worry, He won’t get far on foot est distribué de manière assez limitée dans l’hexagone, surtout comparé aux blockbusters US boursouflés et aux comédies françaises pas drôles. Mais le film est visible pour de vrai, un peu de volonté et de ténacité et vous pourrez passer un vrai moment de cinéma riche et subtil.
Même après avoir failli mourir dans un accident de la route lors d’une nuit de beuverie avec son ami Dexter, John Callahan n’a pas la moindre intention d’arrêter de boire. Il finit pourtant par suivre une cure de désintoxication, soutenu par sa compagne et un mentor charismatique, et se découvre alors un don inattendu… Il crée des dessins à l’humour noir, satirique et insolent, qui lui vaudront un succès international dès leur publication dans la presse. En dessinant, Callahan découvre une nouvelle manière de voir la vie…
Sortie : le 4 avril 2018
Durée : 1h54
Réalisateur : Gus Van Sant
Avec : Joaquin Phoenix, Jonah Hill, Rooney Mara
Genre : Biopic, Drame