Le Misanthrope sobre et aiguisé d’Alain Françon
La vanité, le jeu des influences, les faux-semblants, mais aussi la perfidie des courtisans sont au cœur de cette pièce de Molière et de la proposition d’Alain Françon.
Alceste, le misanthrope, est le plus loyal et le plus droit des hommes. Cet incompris, qui veut changer la face du monde, se retrouve pris au piège d’un système plus fort que lui, car il a le mauvais goût de rejeter les futilités et les mondanités.
Alceste souffre donc de l’hypocrisie du monde dans laquelle il vit. Il est pourtant amoureux de Célimène, une mondaine habitée par cet art de paraître qui voit défiler dans son salon des petits marquis courtisans, avides et calculateurs, dont il n’a que mépris.
La conversation et l’appartenance sociale avec ces signes de reconnaissance sont les éléments fondateurs de ce microcosme. Entre soi, on se croise, on échange et on tente de répondre à la question qui est sur toutes les lèvres : Célimène est-elle sincère dans son amour ?
Avec ses enjeux, son interaction entre les protagonistes, ses contradictions à travers la posture morale d’Alceste qui se confronte à l’appel paradoxal de son désir, la parole est au centre du dispositif. Mais aussi de la lecture précise d’Alain Françon qui se focalise sur le texte fondateur et la direction d’acteurs.
Joutes glaciales
Ce parti pris prend pour cadre un salon luxueux et froid d’un hôtel particulier où les joutes verbales, les médisances, les confidences interagissent ou s’immobilisent. C’est en costumes contemporains qu’évolue ce petit monde clos qui renvoie à une classe dominante et élitiste, sûre de son entre-soi et de son pouvoir.
La mise en scène sobre et exigeante scrute au plus près ce bal des hypocrites et des flatteurs où le jeu des ambitions se dispute à celui des compromissions et révèle les ressorts secrets d’une caste arrogante, dissimulés sous le vernis de la politesse.
Les discussions, dont le placement des acteurs offre une fluidité parfaite, mettent à l’épreuve la sincérité d’Alceste qui erre, telle une âme écrasée et torturée par le poids de ses contradictions, désarmé face aux déceptions de la vie, faisant preuve de réactions contradictoires et porteuses d’emportements suivis de périodes d’atonie et de faiblesse.
Mais aussi capable de se ressaisir face aux sentiments qu’il éprouve pour Célimène, refusant dans sa critique du monde une société du paraître, de la dissimulation et dans laquelle la médisance s’avère un art à part entière. Avant que la solitude n’emporte le cœurs de chacun des amants vers leur destin respectif.
Les comédiens sont au diapason pour faire entendre la posture désinvolte et contrariée d’Alceste, seul contre tous, incarnée vaillamment par Gilles Privat.
Dates : du 18 septembre au 12 octobre 2019 – Lieu : Espace Cardin (Paris)
Metteur en scène : Alain Françon