« Le Repas des fauves », un cluedo sous haute tension au théâtre Hébertot
Nous sommes en 1942 dans la France occupée. Un huis clos se noue dans un appartement cossu parisien. Sept amis se retrouvent pour fêter un anniversaire. Mais ces gens ordinaires, peu préoccupés de l’Occupation, vont se retrouver confrontés à une situation kafkaïenne.
Deux officiers allemands ont été abattus devant leur immeuble. Le Commandant Kaubach – il adore Horace et Virgile – vient leur annoncer poliment qu’ils devront désigner deux otages parmi les convives… c’est son cadeau d’anniversaire ! « Si vous ne vous décidez pas, je vous fais fusiller tous les 7 ! »
Vahé Katcha, écrivain français d’origine arménienne, disait de sa nouvelle, Le repas des fauves : « C’est un sauve-qui-peut pathétique ».
Sauve qui peut…
La pièce installe un huis clos haletant plein de suspens et de retournements dont la condition humaine avec sa part d’ombre imprime furieusement le tempo. Elle plonge le spectateur dans les affres de l’âme humaine et les plus vils stratagèmes imaginés par l’homme pour sauver sa peau et qui se voit également confronté à sa responsabilité de désigner l’autre (son ami ?) et à sa peur panique de la mort.
Le rare courage des uns se dispute alors à la lâcheté et à la veulerie des autres où les amis d’hier deviennent des adversaires dans l’unique dessein de se sauver. Une fuite en avant donc qui contraint les personnages au mensonge envers l’autre, à la mauvaise foi, à la trahison et à un individualisme exacerbé. Mais aussi à un lâcher prise décomplexé et révélateur d’une condition terriblement humaine.
La mise en scène de Julien Sibre orchestre à merveille cette tension psychologique (du dedans), entre les personnages à l’abri de joutes verbales aussi féroces qu’empreintes d’humour noir, avec celle du dehors et son réalisme brut, contrebalancé par des images graphiques animées (dessins de Cyril Drouin) et d’archives projetées, pour évoquer l’extérieur et son conflit ravageur.
Les comédiens dans une efficacité redoutable nous embarquent complètement à travers leurs personnages nuancés et toujours justes. Bravo !
Dates : du 10 au 31 mai 2024 Lieu : Théâtre Hébertot (Paris)
Metteur en scène : Julien Sibre