Date de sortie : le 5 mai 2014
Auteurs : Alain Bujak (scénario) et Piero Macola (dessin)
Prix : 19 € (120 pages)
Le Tirailleur est un roman graphique écrit par Alain Bujak, photographe qui a rencontré lors d’un reportage Abdesslem, ancien tirailleur marocain, dans un foyer social à Dreux, où il résidait neuf mois de l’année, loin de sa famille, pour pouvoir percevoir une maigre allocation vieillesse. Un témoignage émouvant de ces oubliés de la France illustré par Piero Macola (Aller simple, Dérives, L’Ombre amoureuse).
Résumé de l’éditeur :
1939, Maroc. Abdesslem s’engage pour quatre ans dans le 4ème Régiment des Tirailleurs Marocains (RTM). Il a plus ou moins 17 ans. Il ne connait pas son âge exact. En octobre 39, le 4ème RTM est mobilisé. C’est une drôle de guerre : « On ne faisait que marcher, creuser des trous, poser du fil barbelé, transporter du matériel, marcher des journées entières. Il n’y avait pas de combats. On attendait ; ça nous rendait nerveux. Le froid, la faim, la fatigue… ». En mai 40, les Allemands pilonnent le RTM. Les jeux sont faits. Ils se replient dans l’idée de rejoindre Marseille en suivant la direction du soleil le jour, les voies ferrées la nuit, afin d’embarquer pour le Maroc. Mais ils sont faits prisonniers par les Allemands et sont parqués dans des conditions déplorables, dans un « frontstalag » en France, un camp réservé aux prisonniers de couleur, tous issus de colonies françaises… Quand en 42, il est enfin de retour au Maroc, il réintègre le 4ème RTM pour crapahuter dans le Moyen-Atlas. Il n’obtient sa première permission que trois ans après être parti de chez lui ! D’enrôlements contraints en réengagements volontaires — pour pouvoir percevoir une retraite militaire —, la guerre devient son métier. Ce n’est qu’en 54, qu’il quitte définitivement l’armée, après avoir encore combattu deux ans en Indochine. Revenu dans son village natal, il retrouve les siens et leur quotidien simple et modeste, rythmé par le travail de la terre et leur vie de berger. Il est à sa place, là, « sur ces montagnes où l’air sent si bon qu’on a envie d’en manger ». Et pourtant, les temps changent, c’est la fin du protectorat de la France sur le Maroc, la réévaluation des retraites militaires est gelée, et partout, l’heure est à la modernité. Peu à peu, Abdesslem est rattrapé par le besoin d’argent : « Comment acheter tout ce que tu peux pas cultiver quand tu n’en as pas les moyens ? ». C’est ainsi qu’en 2004, il s’installe à Dreux pour pouvoir toucher une petite allocation vieillesse, qui aide ses proches à subvenir à leurs besoins. C’est à cette époque qu’Alain Bujak fait sa connaissance. En 2010, Abdesslem renonce à cette pension pour vivre ses vieux jours auprès des siens. Il a 86 ans.
L’écriture du scénario d’Alain Bujak est pensée comme un véritable reportage, à travers la narration introspective d’un reporter qui découvre une histoire qui le touche. Celle de ce jeune tirailleur marocain arraché aux siens sans prévenir alors qu’il n’avait que 17 ans. L’homme sera alors de toutes les guerres, de tous les fronts engagé de 4 ans en 4 ans. Cela parce qu’on lui promettait une retraite. Malheureusement, à 86 ans, le voilà contraint à vivre seul, loin des siens. Il habite neuf mois de l’année dans une cité afin de percevoir une petite allocation… Un récit humaniste qui montre le peu de reconnaissance (voire l’absence de reconnaissance) qui est accordé à ces anciens combattants sinon français au moins de la France. Une histoire est émouvante et intimiste qui touche le lecteur comme elle a touché le journaliste.
Le dessin de Piero Macola est également d’une grande sensibilité, avec des traits soigneusement appuyés et une coloration naturelle et délicate (à la craie de cire ?).
En résumé, Le Tirailleur est un témoignage touchant, bien exécuté. A lire.