L’économie du couple ou la rupture au scalpel
L’économie du couple est un grand film pudique sur la douleur de la séparation. Loin des poncifs habituels du cinéma français trop souvent mâtinés d’adultère et d’hédonisme gratuits, le film de Joachim Lafosse ose le huit clos sans artifices.
Un couple cohabite tant bien que mal dans ce qui était auparavant leur domicile conjugal. Parents de deux charmantes petites filles mais confrontés à des difficultés financières, Boris et Marie ne parviennent pas à finaliser leur séparation. La disparition du sentiment amoureux laisse un trou béant que l’obligatoire promiscuité empêche de combler. Boris devrait chercher un nouveau logement mais il n’a pas assez d’argent et n’arrive pas à se mettre d’accord avec Marie sur la part de reversement qu’il estime juste et équitable. Campant tous deux sur leurs positions, le couple accumule tensions et frustrations sous le regard impuissant et désemparé de leurs filles.
Un cinéma théâtral servi par un épatant duo d’acteurs
Joachim Lafosse réussit le tour de force de tenir en haleine tout le film durant sans (presque) jamais sortir du modeste domicile. De la cuisine à la chambre en passant par la terrasse et le salon, il filme un quotidien certes lambda mais jamais apaisé. En mode théâtre filmé, il utilise ses deux magnifiques acteurs pour porter une intrigue finement mise en scène.
Cédric Kahn et Bérénice Béjo sont épatants en ex-complices qui se querellent en toute bonne foi. Sans jamais mettre de mots sur les raisons objectives de leur désamour, ils accumulent les pistes jusqu’à ce que l’évidence se fasse jour. Il y a une multitude de petites raisons qui, toutes assemblées, ont mis à mal leur indéfectible lien. Et ni leurs deux filles ni leurs discussions ne parviendront à reconstruire l’édifice renversé.
Les mimiques, faciès et attitudes portent le malaise ambiant. S’accusant mutuellement de victimisation, Boris et Marie sont deux êtres fragiles et profondément désemparés, chacun à sa manière. Cédric Kahn a beau arborer une attitude cool, sa maladresse et son impasse professionnelle agacent le spectateur autant que Bérénice Béjo qui elle perd immanquablement son sang froid et s’enfonce dans la dépression.
Un film d’horreur domestique
Véritable film d’horreur domestique, le film ne peut pas laisser indifférent tant le réalisme le dispute à ce sentiment d’inévitable gâchis. Sans jamais se laisser corrompre par les habituelles facilités d’un cinéma français qui aime à cacher un amant dans le placard ou un inextinguible besoin animal sous la couette, le film ne dévie pas de sa route. Et si l’aspect financier parfois dramatiquement important dans l’intrigue ramène à une réalité bassement matérielle, il ne remet pas à en cause les beaux efforts pour viser à l’universel.
Cette économie du couple est la bonne surprise française de ce mois d’aout, confirmant les talents d’acteurs de 2 comédiens appelés à devenir de plus en plus incontournables.
Après 15 ans de vie commune, Marie et Boris se séparent. Or, c’est elle qui a acheté la maison dans laquelle ils vivent avec leurs deux enfants, mais c’est lui qui l’a entièrement rénovée. A présent, ils sont obligés d’y cohabiter, Boris n’ayant pas les moyens de se reloger. A l’heure des comptes, aucun des deux ne veut lâcher sur ce qu’il juge avoir apporté.
Sortie : le 10 aout 2016
Durée : 1h40
Réalisateur : Joachim Lafosse
Avec : Bérénice Bejo, Cédric Kahn
Genre : Comédie dramatique