Le cinéma d’Aki Kaurismaki a ses aficionados et ses détracteurs, difficile de ne pas avoir une opinion tranchée sur ses choix esthétiques et scénaristiques. Le charme désuet peut plaire ou pas, l’histoire d’Ansa (Alma Pöysti) peut soulever une vraie empathie ou laisser froid. La femme est courageuse, elle enchaine les boulots sans intérêt et rencontre Holappa (Jussi Vatanen), lui aussi à l’existence minuscule et alcoolique. Il voit les portes se fermer devant lui, ils sont faits pour se rencontrer.
Un film particulier
L’image qui reste, c’est ces 2 personnages assis l’un à côté de l’autre avec les regards dans le vide. La Finlande ne devrait pas connaitre un boom touristique avec ce film, les bars sont glauques, les karaokés sont sinistres, pas de rire ni d’action, encore moins de sourires. Le choix esthétique du réalisateur est tranché, faisant plonger le spectateur dans une marmite remplie de spleen entre amertume et mélancolie. Pendant ce temps là, les nouvelles de la guerre en Ukraine remplissent les ondes, rajoutant une couche au spleen ambient. Le film ouvre une lucarne sur une réalité sociale peu connue dans les pays nordiques connus pour leur démocratie avancée et leur haut niveau d’enseignement qui n’empêche pas les travailleurs de se faire jeter dehors en un temps record, c’est du moins ce que semble montrer le film. La question se pose de l’existence d’un contrat de travail et d’indemnité de licenciement. Ansa est mise dehors sous un prétexte étrange, elle a pris avec elle un surgelé périmé au lieu de le jeter à la poubelle, le prétexte est assez sommaire. Le réalisateur préfère se concentrer sur des futilités, certes futiles mais remplies d’humanité, sans action ni violence, car la vie est déjà suffisamment violente. Le désir d’amour, la solidarité et l’espoir en l’autre fondent son cinéma. Le titre du film est évidemment inspiré d’une chanson, celle homonyme signée Prévert et Kosma. Par ailleurs, cette tragi-comédie est la quatrième partie que l’on croyait perdue de la trilogie du réalisateur (Ombres au paradis, Ariel et La fille au allumettes).
Les Feuilles mortes a obtenu le Prix du Jury au Festival de Cannes 2023. Aki Kaurismäki revient régulièrement sur la Croisette, lui qui a déjà présenté Au loin s’en vont les nuages, L’Homme sans passé, Les Lumières du Faubourg et Le Havre. Le film est à découvrir le 6 février pour une séance de rattrapage.
Synopsis: Deux personnes solitaires se rencontrent par hasard une nuit à Helsinki et chacun tente de trouver en l’autre son premier, unique et dernier amour. Mais la vie a tendance à mettre des obstacles sur la route de ceux qui cherchent le bonheur.