Les heures sombres de la colonisation évoquées dans la BD Esclaves de l’île de Pâques aux éditions La Boîte à Bulles
L’île de Pâques éveille les fantasmes les plus fous. D’où viennent les imposantes statues qui jonchent le petit morceau de terre niché dans l’Océan Pacifique, qui a vécu sur l’île, comment s’est déroulée la rencontre avec l’homme européen? Emmanuel Cassier et Didier Quella-Guyot offrent une vision très sombre de la rencontre entre les peuples ancestraux de l’île et l’homme européen, avec comme toile de fond la colonisation, le désir de s’enrichir à tout prix et les impératifs de colonisation. Pas de clair obscur dans une bande dessinée qui expose ce que l’homme peut faire de pire à ses semblables.
Une bande dessinée sans concessions
Les dessins presque enfantins d’Emmanuel Cassier mettent à distance une réalité qui fait froid dans le dos. La BD débute avec des bateaux partant les cales pleines de Pascuans changés en esclaves volés à l’île de Pâques pour aller travailler à récolter le Guano au Pérou, et tout est dit en quelques pages, les habitants de l’île sont considérés comme quantité négligeable face aux appétits économiques des européens partis à l’autre bout du monde. La culture, les coutumes, les croyances, tout est rejeté du revers de la main par des européens qui se fichent éperdument de la découverte au profit de l’exploitation. Le scénariste Didier Quella-Guyot met en lumière quelques personnages emblématiques d’une histoire qui s’achève en 1876 avec une population passée de 3000 habitants à moins de 200. Le prêtre Eugène Eyraud et le marin Jean-Baptise Dutrou-Bonnier sont les deux protagonistes principaux de cette évocation de la cruauté de l’homme européen sur des peuples aux vies trop différentes pour être respectées pour ce qu’elles sont, adaptées à leur cadre de vie et non pas fondées sur le matérialisme. Cette BD fait froid dans le dos et évoque en filigrane notre société actuelle de plus en plus fondée sur le consumérisme et plus sur la perpétuation des valeurs héritées de notre histoire. Quand l’homme devient moins important que les possessions matérielles, c’est le moment de se poser des questions…
Esclaves de l’île de Pâques se lit avec passion tant le propos est dénué de tout angélisme, montrant les explorateurs européens comme des bêtes assoiffées de richesse ou d’âmes. Les temps ont-ils changé? Ce n’est pas certain…
L’île de Pâques était jadis une île isolée, avec sa culture propre et une population de près de 3.000 habitants. Puis les occidentaux sont arrivés. Ils ont enlevé des centaines de Pascuans pour les réduire à l’esclavage dans les mines de guano. Certains ont finalement pu rentrer… et propager sur l’île des épidémies venues du continent. C’est à cette époque qu’Eugène Eyraud, prêtre ouvrier de son état, décide de s’installer sur l’île pour y mener une mission d’évangélisation et apporter la « civilisation » à ces « sauvages » aux dieux de pierre. Il aura bien du mal à parvenir à ses fins, devra partir pour mieux revenir… Jusqu’à ce qu’un autre “civilisateur” vienne s’installer dans l’île : le marin Jean-Baptiste Dutrou-Bornier. Il développe l’agriculture sur l’île, épouse une princesse locale puis se transforme en despote. A sa mort, en 1876, il ne reste plus que 175 Pascuans sur l’île. Les fameux Moaï, ces géants de pierre garderont leur mystère pour l’éternité…
Date de parution : le 2 mai 2018
Scénariste(s) : Didier Quella-Guyot
Dessinateur(s) : Emmanuel Cassier
Genre : Historique
Editeur : La Boîte à Bulles
Prix : 16 € (80 pages)
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