Mercredi 28 septembre sort sur les écrans un film espagnol retors et excessivement bien stylisé. Une histoire de disparitions d’enfants à Barcelone a défrayé la chronique au début du XXe siècle. Le film suit un journaliste à l’histoire trouble, entre rumeurs d’internement à l’asile et addiction à la morphine, dans un contexte poussé à l’extrême, peut-être pas aussi fidèle à la réalité que ça. Entre sorcellerie, forces occultes, complotisme et manipulation politico-médiatique, il y a de quoi en perdre son latin. Reste un film bien mené entre un ton de thriller convaincant et de film d’horreur, le tout avec une alternance de noir et blanc et de couleurs qui fait son petit effet.
Une ambiance putride
Le film catalan se distingue d’abord par sa forme très soignée. Les scènes en Noir et Blanc alternent avec des scènes colorées pour créer un univers bien particulier. Le tout avec des éclats rouges appuyés dans les scènes en Noir et Blanc, ça fait penser à Sin City autant qu’à Rusty James. Les éléments plus liés à l’intrigue sont colorisés pour mettre en avant les scènes de lupanar et de perversion où les dignitaires du beau monde catalan se laissent aller à toutes les extrémités dans une intimité des plus poisseuses. Le réalisateur Luis Danés se sert des éléments formels pour appuyer l’intrigue ainsi que l’ambiance, entre cinéma muet et avancées technologiques des années 2000, avec des monstres et des péripéties qui font plonger tout au fond d’un univers caché de la multitude. Le titre original espagnol, La vampira de Barcelona, n’y va pas par 4 chemins. Au milieu d’un développement industriel qui privilège certains mais en laissent aussi pas mal d’autres sur le bord de la route, les inégalités s’intensifient, changeant les seconds en victimes expiatoires des premiers. Que l’histoire soit basée sur des faits réels ne permet pas exactement de savoir où se situe la part de vérité et la part de fantaisie. La ville misérable et la ville opulente se côtoient, les innovations de Gaudi sont en marges d’habitats crasseux et délabrés. L’horrible histoire d’enlèvements et de meurtres d’enfants créée un lien entre des commanditaires sans scrupules et des victimes jugées sans importance. Ce fait divers crapuleux a donné lieu à de nombreuses adaptations littéraires et artistiques. La coupable désignée Enriqueta Martí a été combattue et défendue avec vigueur par des camps qui ont oublié qu’elle n’était peut-être pas seule dans cette histoire. Luís Danés laisse la porte ouverte et suppose que ce qui est devenu un vrai mythe ne sera jamais vraiment expliqué, comme pour d’autres affaires similaires comme pour Jack l’éventreur. L’enquête a été bâclée, les éléments mélangés, rien ne permet aujourd’hui de remonter la piste. Ce sont les journalistes qui ont créé un mythe.
Les mystères de Barcelone a remporté 5 Gaudí dont celui du meilleur film. Ces prix ont surtout récompensé le travail technique et artistique pour un film à découvrir en salles mercredi 28 septembre.
Synopsis: Barcelone, au début du XXe siècle, voit cohabiter deux villes. L’une, bourgeoise et moderniste ; l’autre, crasseuse et sordide. La disparition de la petite Teresa Guitart, fille d’une famille riche, envoie une onde de choc dans tout le pays. La police a bientôt une suspecte : Enriqueta Martí. De son côté, le journaliste Sebastià Comas va mener une véritable enquête et découvrir la sombre vérité…