Lovelace, un film de Rob Epstein et Jeffrey Friedman

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Sortie : 8 janvier 2014

Durée : 1h33

Avec : Amanda Seyfried, Peter Sarsgaar, Sharon Stone

Au début des années 70, Linda Susan Boreman alias Linda Lovelace a été la vedette fugace d’un film célèbre du cinéma porno au titre équivoque de Gorge profonde et signé de Gérard Damiano. A une époque où l’exploitation de ce cinéma underground se faisait en salle et en projection 35 ou 16mm avant que la vidéo et l’Internet ne prennent le relais. Des producteurs sans scrupules et aux motivations plus vénales qu’artistiques donnaient ainsi leur « chance » à des actrices débutantes, et sans réel talent pour la comédie, de percer à l’écran et de se voir offrir un public d’admirateurs, avec le revers de la médaille et les aspects sombres de ce que cela engageait chez ces stars et icônes sexuelles d’un jour. C’est encore le cas aujourd’hui, mais de façon beaucoup plus confidentielle voir au contraire totalement médiatisé, à l’exemple d’anciennes vedettes du porno devenues stars du petit écran et que les émissions de divertissement invitent aux côtés de membres du show biz comme n’importe quel artiste, chanteur ou comédien.

Autre temps, autres mœurs comme dit le dicton, et c’est cette époque où la liberté sexuelle était reine que dépeint le duo de réalisateur Rob Epstein et Jeffrey Friedman dans leur nouvelle œuvre de fiction Lovelace (après Howl en 2010 et quelques documentaires primés). Le point fort du film est sa reconstitution fidèle des années 60 et 70, jusqu’au grain de l’image à l’aspect très « grindhouse » et porté par une bande son très « groove », en contre-point total avec l’aspect noir et dramatique qui se révèle à mesure que progresse le récit dans un montage dynamique et percutant, un peu à la manière de ce qu’avait montré Paul Thomas Anderson dans son excellent Boogie Nights (1997) et qui traitait lui aussi de l’ascension d’une star du porno, mais masculine cette fois, incarné par Mark Wahlberg, et révélant un grand acteur au passage.

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Le plus étonnant dans le film est la dimension racoleuse de son sujet et son traitement lors de la longue première partie, décrivant la fulgurante carrière de Linda, et qui tranche totalement avec sa conclusion, où Linda a abandonné son métier d’actrice porno pour la vie tranquille d’une mère de famille américaine qui participe à des émissions de télévision pour parler de sa biographie et du calvaire qu’elle a vécu durant la production de Gorge profonde. Il apparait étrange et quelque peu frustrant, que ce changement radical du personnage soit évacué en quelques scènes. Les deux réalisateurs semblant visiblement plus intéressé à décrire des scènes de tournage et des orgies de sexe que la prise de conscience de l’héroïne une fois qu’elle a réussi à quitter le milieu du x. Une démarche assez contradictoire, comme si les auteurs avaient voulu s’excuser à la fin de se complaire dans une telle débauche, même si filmée de façon étonnamment soft pour un tel sujet, sans doute par envie de ne pas subir les foudres de la censure (le film a tout de même été classé R aux Etats-Unis, soit l’accompagnement d’un adulte pour les moins de 17 ans). L’ironie se mélange avec le drame pour tomber ensuite dans le sérieux le plus total et la dénonciation à la morale quasi religieuse d’une industrie cinématographique d’exploitation du sexe, féminin avant tout. Le film aurait été sans doute plus cohérent en traitant avec la même rigueur le parcours d’actrice porno de la jeunesse de Linda et sa vie future de femme « rangée » et militante féministe.

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Dans les seconds rôles, on a plaisir à retrouver une Sharon Stone méconnaissable dans le rôle de la mère de Linda, dépassée et désemparée par le destin de sa fille. A ses côtés, le père joué par Robert Patrick (Terminator 2 : le jugement dernier)  en flic effacé, n’est pas moins remarquable. Heureusement, l’interprétation des comédiens, à commencer par la délicate et touchante Amanda Seyfried dans le rôle principal, font de ce Lovelace un biopic à voir, et ce malgré un final qui aurait mérité plus de subtilité dans son traitement.

Thierry Carteret
Cinéphile passionné, Thierry est chroniqueur cinéma et DVD depuis 2006 en ayant collaboré auparavant pour des webzines comme Kinok ou La revue du cinéma. En parallèle de son activité de chroniqueur, il exerce également les fonctions de scénariste et storyboarder sur des projets de courts, longs métrages et séries de fiction.

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