Machines, Nanas et utopies : le trio qui voulait changer la vie

Machines, Nanas et utopies : le trio qui voulait changer la vie
Niki de Saint Phalle, Photo repeinte de « Hon », 1979. Niki Charitable Art Foundation, Santee, Californie (© 2025 Niki Charitable Art Foundation / Adagp, Paris)

Machines, Nanas et utopies : le trio qui voulait changer la vie

Rarement une exposition aura su recréer avec autant de justesse l’intensité organique d’une complicité artistique. En réunissant Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely et Pontus Hulten, le Grand Palais propose une lecture dynamique et cohérente d’une époque où la frontière entre l’œuvre, la vie et le jeu s’effaçait méthodiquement.

Le fil conducteur ? Une alchimie entre trois figures majeures de l’avant-garde européenne des années 1960-70. Le couple Niki de Saint Phalle / Jean Tinguely, fusion créative et affective, est ici restitué dans un triangle élargi grâce à Pontus Hulten — commissaire, théoricien et médiateur majeur de l’art contemporain européen, souvent resté dans l’ombre de ses collaborateurs plus médiatisés.

Des œuvres en tension permanente

L’exposition commence par poser les jalons de cette collaboration féconde, à travers les « Machines » de Tinguely : œuvres absurdes et grinçantes, oscillant entre la sculpture cinétique et le commentaire politique.

Le visiteur est confronté d’emblée à un art du mouvement stérile, auto-destructif, qui moque la logique productiviste. Ces objets mécaniques sont des métaphores grinçantes de l’ère industrielle — jubilatoires, certes, mais fondamentalement critiques.

Puis vient le choc Niki. L’espace change de densité. Aux bruits secs des moteurs succèdent les éclats de couleur, les formes exubérantes des Nanas : figures féminines totémiques, puissantes, hyperboliques.

Niki de Saint Phalle impose un vocabulaire visuel où la féminité n’est pas une posture, mais une conquête. Plus encore, ses performances fondatrices — notamment les Tirs, où elle vise des sachets de peinture dissimulés dans des assemblages de plâtre — viennent redéfinir le geste pictural comme acte politique.

Entre les deux artistes, le dialogue est constant : elle canalise la rage, il l’orchestre ; elle peint avec violence, il construit avec dérision. Leurs œuvres communes — dont des fragments de la Fontaine Stravinsky ou de La Hon – une cathédrale (1966) — illustrent cette symbiose.

Le troisième homme, Pontus Hulten, occupe ici une place plus conceptuelle mais décisive. Sans lui, ces œuvres seraient restées peut-être des projets marginaux. Il a permis leur circulation, leur exposition, leur mise en récit.

On lui doit la création du Moderna Museet à Stockholm, la co-création du Centre Pompidou, et plus largement une politique de l’art vivant, transdisciplinaire et expérimentale. L’exposition rend hommage à ce rôle avec finesse, à travers archives, maquettes, correspondances et dispositifs scénographiques audacieux.

La scénographie du Grand Palais parvient à recréer un environnement immersif sans tomber dans le spectaculaire gratuit. Les machines de Tinguely tournent réellement. Les vidéos de performances ne sont pas figées comme des reliques, mais intégrées dans le parcours avec fluidité. Le commissariat assume le désordre inhérent à cette œuvre collective, sans céder au chaos.

 Dates : du 26 juin 2025 au 04 janvier 2026 – Lieu : Grand Palais (Paris)

NOS NOTES ...
Intérêt
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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