Le Maître des Crocodiles, une BD contemplative de Stéphane Piatzszek et Jean-Denis Pendanx (Futuropolis)
Le Maître des Crocodiles raconte le combat d’un homme. Vengeance, quête intime, combat entre lui-même et nature impétueuse, le héros Léo réalise un voyage intérieur jusqu’à atteindre la sérénité des sages. Un drame personnel va guider sa vie et servir de fil rouge à une BD tragique et contemplative. Le Maitre des Crocodiles rappelle Moby Dick et touche à la même universalité. Avec à la fin ce même constat, l’animal et le héros se confondent dans une duplicité troublante.
Le scénario prend tout son temps pour délivrer sa puissance onirique. C’est d’abord le dessin qui tisse un lien entre cette histoire de vengeance et le lecteur. Bulles dynamiques avec ces plages de sable fin et cet océan paisible… et dangereux. Des apparences trompeuses pour des caractères trempés dans l’acier le plus incassable. Quand le drame survient, la surprise le dispute à l’abattement. Ce n’est pas un personnage qui disparait mais deux en même temps, dans un moment d’injustice caractérisée. L’innocence est abattue par cette nature non pas cruelle mais implacable. Le doux rêve tropical se change en cauchemar. Ce crocodile retors et apparemment irrésistible est-il une machine à tuer ? Un animal uniquement assoiffé de sang comme le requin de Spielberg ? Un esprit changé en bête sauvage ?
Un moment de lecture profond et quasi philosophique
Si la BD se découpe en deux parties chronologiquement distinctes, les dimensions du récit sont multiples. Le jeune héros anéanti par la disparition de sa femme enceinte revient 30 ans plus tard pour terminer ce qu’il avait commencé. Changé par la vie, débarrassé de toute peur car il n’attend plus rien de l’existence que de retrouver cette créature mystérieuse. Comme le Capitaine Achab face au cachalot blanc, Léo doit se confronter à la bête pour découvrir la vérité et partir paisiblement. Car l’animal apparait rapidement plus malin qu’un simple prédateur binaire. S’il a des intentions, Léo veut les déceler pour finir le travail de deuil jamais vraiment achevé. C’est en retrouvant les mêmes habitants de lieux qu’il parviendra à achever sa compréhension et ne faire plus qu’un avec l’animal.
Un moment de lecture profond et quasi philosophique que ce Maître des Crocodiles. Une plaisante plongée qui allie le dépaysement le plus exotique et le récit d’une quête intérieure.
Îles Banyak, Indonésie. Eté 1984. Un petit groupe de plongeurs débarque dans un minuscule archipel au large de l’île de Sumatra en Indonésie. Ils sont documentaristes et militants écologiques. Léo, sa femme Isabelle et leur ami Bernard. Venus du bout du monde au service d’une cause : l’écologie. ils veulent démontrer par le film qu’ils préparent comment l’homme en détruisant son environnement se détruit lui-même. Mais, le projet tourne à la tragédie quand Isabelle, enceinte, est dévorée par un crocodile géant sous les yeux de Léo. Avec le concours des habitants de l’île, Léo et Bernard partent en chasse du reptile géant… S’ils échouent à le tuer, ils le blessent à l’oeil dans un combat titanesque. Léo ressent un curieux lien avec l’animal. Secondé par Bernard et Sap, un jeune Indonésien, il plonge dans le repaire sous-marin du crocodile. Il échoue une fois de plus à le tuer. Mais, mystérieusement, le monstrueux animal le laisse emporter le cadavre de sa femme. Trente ans plus tard, Léo retrouve les îles Banyak, dans un territoire traumatisé depuis le tsunami survenu en 2004. Tel le capitaine Achab pourchassant jusqu’à la folie Moby Dick, Léo dit vouloir en finir avec celui que les autochtones appellent désormais « N’a-qu’un-oeil ». Mais sa soif de vengeance n’a-t-elle pour objet que le seul crocodile tout à la fois fascinant et terrorisant?
Date de parution : le 11 février 2016
Scénariste(s) : Stéphane Piatzszek
Dessinateur(s) : Jean-Denis Pendanx
Genre : Aventure introspective
Editeur : Futuropolis
Prix : 20 € (144 pages)
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