Mattéo, tome 3, une BD de Jean-Pierre Gibrat (Futuropolis)

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Date de sortie : novembre 2013

Auteur : Jean-Pierre Gibrat (scénario et dessin)

Prix : 17 €

Mattéo est la dernière œuvre de l’immense Jean-Pierre Gibrat (Les sursis, Le Vol du corbeau), l’un des plus grands conteur et illustrateur d’histoires que l’on connaisse. Dans son dernier album de Mattéo – le troisième, l’auteur nous transporte en août 1936 (les deux autres tomes correspondait chacun à deux autres époques : le premier aux années 1914-1915, le second à 1917-1918). C’est donc un bond en avant qui augure plus de sagesse et plus de nostalgie pour notre Mattéo, ancien bagnard mais pas tout à fait repenti…

Résumé de l’éditeur (tome 3) :

En 1918, à son retour de Russie, sous le coup d’un mandat d’arrêt pour désertion, Mattéo s’était livré aux gendarmes, espérant « juste le bénéfice d’un peloton d’exécution, pour solder sa petite existence. » Il écopait de 20 ans de travaux forcés. Il en fit moins de la moitié car les derniers condamnés de la Grande Guerre furent amnistiés en 29. Il s’installait alors en région parisienne, et après avoir cassé du caillou à Cayenne, devenait tailleur de pierres ! Il retrouvait Paulin, son ami devenu aveugle pendant la guerre de 14, resté un communiste pur et dur, et toujours aussi susceptible, ainsi qu’Amélie, l’infirmière, en couple avec Augustin, un intello socialiste, très chic. Août 36. C’est le temps du Front populaire. C’est le bonheur des premiers congés payés. 15 jours à ne rien foutre, comme maugréaient les patrons ! En tout cas, 15 jours de loisirs. Et Mattéo, Paulin, Amélie embarquent dans l’auto d’Augustin, en route pour leurs premières vacances officielles, direction la mer, le Sud. Collioure, Mattéo n’y a pas mis les pieds depuis très longtemps au grand dam bougon de sa mère. Il ne sait même pas ce que sont devenus Juliette et son fils Louis… Août 1936. C’est la liesse des bains de mer, des pique-niques, des cartes postales, des bals populaires… Tout semble possible, même le meilleur ! Pourtant, de l’autre côté des Pyrénées, dans l’Espagne toute proche, le bruit et la fureur de la guerre civile se font de plus en plus entendre. Depuis le 17 juillet, les légalistes font face à l’insurrection menée par le général Franco. Si Paulin, à qui Mattéo fait la lecture de l’Huma tous les jours, est en rage lorsque le cabinet de Léon Blum décrète l’embargo sur les armes à destinations des Républicains, c’est un pacte de non–intervention qui est signé par les grandes puissances européennes, en revanche Mattéo y semble totalement indifférent. Il préfère lire les pages « Sports », et en particulier celles consacrées au Tour de France qui se termine. Ses années en Russie et au bagne ont détruit sa fibre militante et engagée, il ne croit plus à l’action, à l’investissement collectif. Mais ce fils d’anarchiste espagnol restera-il insensible aux cris de la patrie de son père…

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L’été 1938 est l’époque de Léon Blum, celle du radical socialisme « qui n’est ni radical ni socialiste » ainsi que les anciens amis bolchéviques de Mattéo se plaisent à dire lorsqu’ils parlent de celui qui les accompagne : Augustin. Un voyage qui célèbre les premiers congés payés dont la loi a tout récemment été adoptée par le parlement. L’occasion pour Mattéo d’emmener ses amis voir sa mère, à Collioure. Là-bas, ce sera plage : soleil et ciel azure pour tout le monde. Et Mattéo retrouvera ses vieux démons : la femme de sa vie… et d’autres surprises. Gibrat a su investir l’espace temps en rendant à ce troisième album un très bon goût de nostalgie, séance photos comprise. Les couleurs de l’été ont été savamment choisies : on entendrait presque les grillons chanter à l’ombre de ces pins dont l’odeur vient nous caresser les narines. Une sorte de saison de proust parfaite pour mettre en avant le temps qui passe, ou qui est passé. Comme l’ombre qui tournicote autour des arbres tout au long de la journée.[pull_quote_right]Gibrat nous fait rêver avec des traits uniques qui font sa signature la plus aboutie[/pull_quote_right]

Le récit de Gibrat dégage toute cette simplicité et cette force. Sa narration est emprunt d’un naturel très particulier, qui fait ses personnages prendre corps avec l’histoire. Quant à son dessin, il est magnifié album après album. Difficile d’y croire quand on voit déjà ce dont il était capable à l’époque du Sursis dont le premier album est sorti en 1997. Ici, Gibrat s’amuse du mouvement des feuilles dont l’ombre se projette sur nos amis en vacances, ou celui des vagues qui viennent s’échouer sur la plage quand ce n’est pas celui des corps d’amants qui se retrouvent après tant d’années… Gibrat nous fait rêver avec des traits uniques qui font sa signature la plus aboutie (et inimitable).

Mattéo est donc une série à ne pas manquer, Gibrat le prouve avec ce troisième album meilleur encore que les deux premiers.

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