Michel Houellebecq mis à nu au Palais de Tokyo
Michel Houellebecq se met en scène au Palais de Tokyo dans une exposition intitulée fort justement Rester Vivant. Les photos de ses pérégrinations, de doux souvenirs de ses amis domestiques, des clichés grivois d’on ne sait qui en posture érotique, c’est tout l’univers Houellebecquien qui est offert aux yeux de visiteurs curieux. Cette plongée iconoclaste dans ses archives personnelles ouvre une large lucarne sur un personnage phare de la scène littéraire. Suivez le guide.
Qu’attendre d’images extraites du quotidien le plus basique d’une star des lettres? Depuis Extension du domaine de la lutte publié en 1994 jusqu’à Soumission en 2015 en passant par les cultissimes Particules élémentaires en 1998, l’auteur a imprimé sa marque. Son écriture directe et désabusée enfonce le couteau de la vérité dans la plaie de l’autoculpabilité. Les errances modernes autant que les compromissions hypocrites sont montrées du doigt avec sagacité via des héros velléitaires à la frustration fataliste. Chaque nouvel ouvrage est attendu par les fans et le gratin germanopratin comme une promesse de surprises et de succès littéraire. Mais que fait l’auteur quand il écrit, ou même quand il n’écrit pas ? Michel Houellebecq répond lui même à la question en exhibant son existence comme une mise à nue salvatrice.
Car l’exposition semble tout montrer. Tout en sachant pertinemment qu’elle ne montre que ce que l’auteur veut bien dévoiler. La duplicité n’échappera à personne tant la mise en scène parait soigneusement (et donc sournoisement) ordonnée. Les clichés d’immondes zones industrielles cohabitent avec de doux paysages verdoyants. Les premiers clichés pourraient montrer l’oeil critique de l’homme à qui on ne la fait pas, les seconds ses aspirations à la plénitude. Mais tout cela semble bien commode, l’auteur doit certainement vouloir plus. Peut être expose-t-il les contradictions de la modernité par trop pragmatique et fonctionnelle. Si les paysages ont une utilité, la nature elle-même en a une. Rien n’échappe à la logique capitaliste, cela semble être le message central de l’exposition.
Quant aux images de femme dénudée, le visiteur vigilant pensera automatiquement aux errements du héros de Plateforme, Houellebecq met à distance en utilisant cet éternel premier degré, comme dans ses ouvrages. Ne peut on être fasciné par cette créature à moitié dénudée, peut être un mannequin embauchée pour l’occasion, enrôlée pour satisfaire les foules? Quand à la salle hommage aux bêtes à poils, peut être touche-t-on la sensibilité de l’homme au plus près. Sans machines ni humains, il fait surgir ce sentiment de perte si attaché à l’espèce homo sapiens sapiens. Comme un témoignage enfin véritable et non déguisé. Un animal ne recherche qu’une affection désintéressée, au contraire de cette humanité toujours tournée vers son profit personnel. En tous lieux et en toutes choses.
Si l’exposition peut paraitre se complaire dans l’autocélébration, un regard plus tranché appelle au rapprochement avec l’oeuvre. Comme dit l’adage, les chiens ne font pas des chats et c’est bien l’Houellebecq écrivain qui s’exhibe, lui même intimement humain. Et vivant. Cette exposition devrait-elle être appréhendée comme un nouvel ouvrage? Qui sait. Rimbaud disait La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, Houellebecq nous donne surtout du grain à moudre!
Dates : Jusqu’au 11 septembre 2016
Lieu : Palais de Tokyo (Paris)
Entrée : 10,40 €