La comédie musicale My Fair Lady, inspirée de la pièce de théâtre Pygmalion du dramaturge irlandais Georges Bernard Shaw, se produit au théâtre du Chatelet jusqu’au 1er janvier 2014. Créée par Lerner et Loewe en 1956 puis suivie du célèbre film musical de Georges Cukor avec Audrey Hepburn, My Fair Lady fait désormais partie des classiques. Un spectacle éblouissant.
Une histoire de mots
Londres, début du XXème siècle. A la sortie du Royal Opera House, par un froid glacial, une ribambelle d’aristocrates se chamaille pour appeler un taxi. Au beau milieu de ces gentlemen, Eliza Doolittle (Katherine Manley), misérable fille de la classe populaire, tente de vendre ses vulgaires bouquets de fleurs dans l’espoir de se faire quelques shillings. Dans un argot à faire fuir tous les rats de Londres, Eliza Doolittle hurle d’incompréhensibles injures. Quelques mètres plus loin, Henry Higgins (Alex Jennings), un célèbre professeur de phonétique, note sur un carnet chacune des abjectes phrases d’Eliza. Il va faire alors le pari avec son ami linguiste le colonel Pickering, qu’en quelques mois et d’intensifs cours de phonétique, il fera de la misérable Eliza une Lady, à tel point que même la Reine n’y verrait que du feu. Le professeur Higgings et Eliza se lancent donc dans un défi d’apparence insurmontable, celui d’apprendre à la pauvre fille à parler à la perfection le dialecte de la haute société britannique.
Lutte des classes et droit des femmes
Bien loin d’être une pièce dénuée de sens politique, la comédie musicale de Lerner et Loewe dépeint l’Angleterre du début du XXème siècle comme un berceau d’inégalités sociales. D’un côté une aristocratie bien pensante, distinguée et éduquée, de l’autre des classes populaires qui ne maitrisent pas la langue de leur pays et sont condamnés à l’exclusion. Mais non sans une touche d’humour : on pense à la scène où l’éminent Henry Higgins reçoit Alfred Doolittle (père d’Eliza, miséreux et alcoolique) et le recommande comme le moraliste et l’orateur le plus compétent qui soit. Les personnages de Shaw sont multiples et complexes, ils révèlent des vérités sur l’Angleterre du début du XXème siècle, élitiste et bourgeoise tout en étant à l’aube de profondes ruptures. Car Shaw est aussi visionnaire dans sa perception de la femme dans My Fair Lady. Prenons d’un côté Henry Higgins, misogyne aigri et solitaire qui n’a aucun respect pour Eliza et pour les femmes qui l’entourent. De l’autre, Eliza Doolittle, une femme ambitieuse qui rêve de monter son commerce de fleurs et ne veut pas d’un mari pour subvenir à ses besoins mais d’un homme pour l’aimer. Peu à peu, le personnage de Higgins va évoluer, sa vision des femmes et surtout sa reconnaissance envers Eliza vont révéler un caractère différent, plus progressiste, certes (peut-être) un peu amoureux. Tout au long de la pièce, Eliza incarne à la fois les difficultés classe ouvrière et l’émancipation féminine. My Fair Lady est une véritable réflexion sur les inégalités sociales, la place des femmes dans la société et la méritocratie.
Robert Carsen, metteur en scène de la pièce, ajoute :
« L’histoire est solidement ancrée dans la société anglaise, dans la dualité entre la classe ouvrière et son parler cockney et le snobisme des classes supérieures »
Grâce à une mise en scène absolument exceptionnelle et un jeu d’acteurs époustouflant, l’intégralité du spectacle est un délice pour les yeux. Elle regorge de somptueux et inoubliables tableaux, dont notamment la scène de la course de chevaux aux robes de mille couleurs et à la chorégraphie (minimaliste) d’une savoureuse finesse. Les décors et costumes sont à couper le souffle dans cette mise en scène rassemblant 56 acteurs et un orchestre de 43 personnes.
L’adaptation de My Fair Lady par Robert Carsen est un véritable chef d’œuvre à voir absolument. Courez-y !
Informations pratiques
My Fair Lady
Jusqu’au 1er janvier
Théâtre du Chatelet
2, rue Edouard Colonne 75001
http://chatelet-theatre.com/
(la pièce est en anglais surtitré)