Sortie : en DVD et Blu-Ray le 20 août 2014
Durée : 1h55
Avec : Bruce Dern, Will Forte, June Squibb, Stacy keach, Bob Odenkirk
Synopsis :
Un vieil homme, persuadé qu’il a gagné le gros lot à un improbable tirage au sort par correspondance, cherche à rejoindre le Nebraska pour y recevoir son gain, à pied puisqu’il ne peut plus conduire. Un de ses deux fils se décide finalement à emmener son père en voiture chercher ce chèque auquel personne ne croit. Pendant le voyage, le vieillard se blesse et l’équipée fait une étape forcée dans une petite ville perdue du Nebraska qui s’avère être le lieu où le père a grandi. C’est ici que tout dérape. Rassurez-vous, c’est une comédie !
Après avoir reçu un très bel accueil au dernier festival de Cannes avec le Prix du meilleur interprète masculin décerné à Bruce Dern, Nebraska, le nouveau film de Alexander Payne débarque sur galette numérique le 20 août prochain. Depuis sa première réalisation en 1996, Citizen Ruth avec Laura Dern (Sailor et Lula) fille de Bruce Dern, le réalisateur Alexander Payne trace le sillon d’un cinéma américain tout en humanité. Avec le superbe Sideways (2004), il connaît pour la première fois le succès et livre par la suite des longs métrages impeccables comme Monsieur Schmidt (2002) avec Jack Nicholson ou encore The Descendants (2011) avec George Clooney.
Le réalisateur d’origine grecque reçoit le scénario de Nebraska au moment où il est en plein tournage de Sideways et pense tirer de ce road-movie entre un vieil homme accompagné de son fils, un film amusant et songe immédiatement à l’acteur Bruce Dern (On achève bien les chevaux) pour le rôle de Woody, le père alcoolique et taciturne. Ce choix ne se fait pas sans mal et le réalisateur doit d’abord essuyer les réticences de la Paramount qui lui préfère des acteurs plus « bankables » comme Gene hackman ou Robert Duvall. Alexander Payne tient bon et déclare aux producteurs que le film ne se fera pas sans Bruce Dern, et impose au passage le choix du noir et blanc. Une évidence pour le réalisateur qui pense au rendu particulier de l’image monochrome et à l’héritage de ses ainés comme Woody Allen, Steven Spielberg ou Martin Scorsese, qui ont utilisé le noir et blanc sur leurs chefs d’oeuvres Manhattan (1979), La liste de Schindler (1993) et Raging Bull (1980).
Film sur l’Amérique profonde, Nebraska avance sur un rythme lent, entre émotion et humour. La force du film de Alexander Payne est de ne jamais tomber dans le pathos et les personnages, même secondaires, sont tous tantôt touchants ou cruels, mais toujours authentiques et profondément humains. Le film dresse ainsi le portrait d’un pays qui s’est construit sur les valeurs du travail et de l’industrialisation, ainsi le personnage de Woody est un rêveur, mais avec des ambitions à hauteur d’homme, celle de retrouver une dignité perdue en se rachetant une camionnette ainsi qu’un compresseur dont il se servait pour son activité et qui lui a été dérobé par un vieil « ami » incarné par Stacy Keach, et ce avec le million de dollars qu’il croit avoir obtenu lors d’un tirage au sort pour le moins fumeux. Il part donc avec son fils pour chercher ce gain, et suite à une chute où le vieux père se blesse au front, les deux hommes doivent faire une halte dans le Nebraska. C’est alors l’occasion pour Woody de renouer des liens avec son passé, un passé parfois douloureux mais aussi heureux, fait de vieilles rancoeurs et de rendez-vous manqués. Toute la beauté du film de Alexander Payne vient de ce voyage introspectif partagé avec un fils quadragénaire qui découvre enfin un père qu’il ne connaît presque pas, enfermé dans un quasi mutisme et dans l’alcoolisme depuis une expérience difficile et traumatisante à la guerre de Corée. Voir ce plan magnifique, sans doute le plus beau du film, où le fils observe avec tendresse son père, au volant du véhicule enfin désiré, qui apparaît à nouveau aux yeux du monde comme l’homme respectable qu’il était jadis. Car dans le film de Alexander Payne, la voiture est montrée comme le symbole de la réussite sociale et celui qui ne peut plus conduire, n’est plus rien. Ainsi le réalisateur ne cesse de faire allusion à la route, la distance, les moteurs, les camions, etc… offrant la vision d’un pays qui s’est construit par ses pionniers voyageant en caravane et diligence avant de s’établir dans des états américains comme le Nebraska. Woody et sa famille symbolisent cet héritage. celui du travailleur américain qui accomplit son devoir d’homme machinalement, presque de façon inconsciente.
Nebraska, qui pourra évoquer par instant un autre superbe road-movie, soit Une histoire vraie (1999) de David Lynch, s’avère au final une oeuvre sensible, drôle et profonde à ne pas manquer.