Noce, un ouragan euphorisant sur la scène du Lucernaire
2 comédiens et 3 comédiennes mettent le feu à la scène du Lucernaire pendant plus d’une heure de spectacle total. La pièce de Jean-Luc Lagarce prend une dimension titanesque tant les performances d’acteur multiplient les morceaux de bravoure. Le texte incisif multiplie les niveaux de lecture que les comédiens retranscrivent avec une jubilation communicative. Noce enchaine les monologues habités aux échanges truculents sans aucun temps mort. Il est difficile d’imaginer l’intensité des répétitions pour arriver à une telle fluidité.
Une métaphore sociale affûtée
5 invités tentent de s’introduire dans une noce fréquentée par une foultitude de convives de toutes provenances. Les personnages aux manières rustiques et aux accoutrements à la limite du folklorique incarnent la volonté de reconnaissance sociale avec tout cela comporte de volonté et d’aveuglement. Chaque étape de leur intrusion marque une gradation dans la folie collective. La joie initiale d’avoir pu berner le service d’ordre pour infiltrer la fête amène des effusions que la suite des évènements va vite faire taire. Les plats tardent à arriver, les tables sont à la périphérie des mariés, rien ne va plus et le ton monte. Les personnages se coupent les uns les autres, s’invectivent bruyamment et rebondissent furieusement les uns sur les autres. L’accent est mis sur la revendication à plus de légitimité jusqu’au feu d’artifices final. Les rapines improvisées préfigurent un dénouement abracadabrantesque à la sentence sans appel: le respect que l’on exige des autres commence par le respect de soi même.
Des performances d’acteur jubilatoires
Pour personnifier aussi merveilleusement la folie humaine, il ne fallait rien de moins que 5 jeunes comédiens en forme olympique. Grâce à leurs prestations survitaminées, la pièce rappellera avec bonheur le non sense cruel du film The Party de Blake Edwards ou la violence désespérée du Melancholia de Lars von Trier (notamment la scène de mariage du début). Les scènes de groupe requièrent synchronisation et escalade pour bousculer le public, Noce y parvient parfaitement avec l’ajout d’une mise en scène dynamique transformant le spectacle en capharnaüm dionysiaque. Les sentiments montent en flèche à la manière du film récent Juste la fin du monde du même auteur. Les personnages s’époumonent et expriment toute leur souffrance intérieure dans un déluge de manifestations physiques et vocales. La pièce est éprouvante et réjouissante à la fois, comme une grande tempête déchainée qui emporte l’audience.
Des cris de joie saluent les interprètes à la fin de la pièce. Noce a parfaitement réussi à subjuguer le public du Lucernaire avec un moment de théâtre rien de moins qu’inoubliable. Vous savez ce qu’il vous reste à faire…
Dates : du 25 janvier au 11 mars 2017 du mardi au samedi à 21h
Lieu : Le Lucernaire (Paris)
Metteur en scène : Pierre Notte
Avec : Grégory Barco, Bertrand Degrémont, Eve Herszfeld, Amandine Sroussi, Paola Valentin