Oublier mon père, une vie douloureuse d’enfant mal traité (Denoël)
Manu Causse a quitté l’enseignement pour se consacrer à l’écriture. Avec Oublier son père, l’auteur nous embarque dans la vie d’Alexandre, enfant unique adoré par son père et maltraité par sa mère.
Enfance perturbée
Alexandre trouve toutes les excuses possibles à sa mère quand elle le gronde. Et cela arrive si souvent. « Tu vas arrêter ton bordel, petit con. Ma mère ne supporte pas les gros mots. […] Il faut donc que je l’ai mise très en colère pour qu’elle me parle comme ça » p.44. Dès les premières pages, le lecteur est comme happé par la vie d’Alexandre. Une vie presque inimaginable. Comment sa mère peut-elle s’en prendre à son fils unique et être capable d’autant de méchancetés à son égard. Et cela ne fait que commencer. Comme Alexandre ne va pas à l’école, il subit les mauvais traitements de sa mère toute la journée. C’est un enfant fragile, qui vomit souvent. Il n’ira à l’école qu’en sixième. C’est sa mère qui lui enseigne tout le primaire, avec deux ans d’avance sur le programme. Alexandre a neuf ans quand il perd son père d’un accident de voiture. Son monde s’écroule d’une seconde à l’autre.
Langage du corps
Alexandre ne peut pas exprimer sa peine à la mort de son père. Sinon, il se fait rabrouer par sa mère. Méchamment. Du coup, comme il ne peut plus rien dire sans se faire battre et avec interdiction de « chialotter », Alexandre tombe encore plus malade. Il vomit sans cesse, souffre d’horribles migraines, son corps craque. Et son acariâtre de mère l’oblige à oublier son père. Elle devient de plus en plus agressive, même si durant un temps, après la mort du père, elle semble se calmer. Alexandre subit de nombreux examens. Mais rien ne le guérit. Ses crises l’obligent à de nombreuses hospitalisations avec de graves troubles mentaux et physiques. Se laisse-t-il mourir ?
Analyse de la mère
Ce roman nous prend aux tripes. On ne peut que dévorer les pages en espérant qu’un jour le calvaire d’Alexandre va cesser. Sa mère est une « Folcoche » en puissance. Sournoise, menteuse, manipulatrice, et violente. Bref, elle ressemble davantage à un monstre qu’à une mère. Ou une folle. L’auteur en fait une très bonne analyse. Une femme incapable d’aimer qui que ce soit, agressive et cruelle. Sans cœur et détruisant chaque jour un peu plus son fils. Avant son père faisait tampon, et donnait de l’amour à Alexandre, mais depuis ses neuf ans, il est tout seul à tenter de survivre dans cet univers irrespirable.
Alexandre adulte
Alexandre grandit comme il peut, à travers ses nombreuses crises qui le font souffrir horriblement. Il va tout de même devenir un homme, presque malgré lui. Et sa première femme lui fera subir d’autres souffrances. Mais Alexandre pense que c’est normal. Ça doit sûrement se passer comme ça. Et puis il doit s’occuper de sa mère. Il ne peut toujours pas se confier. S’il le fait, c’est aux médecins qui tentent de le soigner qu’il le fait. Et il se retrouve interné. A l’hôpital psychiatrique. Il a l’habitude. Sa vie d’homme n’est pas épargnée et l’empêchera de vivre libre. Jusqu’au jour où…
Scénario original
Quand on commence Oublier son père, on ne peut plus quitter Alexandre. Sa vie nous bouleverse. Non seulement l’auteur nous embarque dans le monde très particulier du jeune homme, monde qui frise la folie, folie due à la maltraitance, mais il nous embarque aussi dans la folie de la mère, qui est encore plus malade que le fils, mais jamais soignée. Quant au père, on découvre au fil des pages la vérité sur sa vie.
Oublier son père est un roman passionnant qui nous prend aux tripes. La fragilité de l’homme, de tout homme est au cœur de ce roman. Avec bien sûr l’importance de la mère sur son enfant. Sur la construction de l’adulte en devenir. L’importance de l’enfance qui laisse des traces durant toute la vie. Comment se défaire de son passé quand il a été si douloureux ? Alexandre restera à jamais marqué par cette mère tyrannique.
– Pas la peine de chialotter, je ne t’ai pas fait mal, m’assure ma mère chaque fois qu’elle me gifle.
Sud de la France, années 90. Alexandre grandit auprès d’une mère autoritaire et irascible. Elle veut à tout prix qu’il oublie l’image de son père disparu prématurément. Bon garçon, il s’exécute.
Devenu photographe, Alexandre se révèle un adulte maladroit, séducteur malgré lui, secoué par des crises de migraine et la révolution numérique. À quarante ans, il échoue dans un petit village de Suède pour y classer des images d’archives. Il lui faudra un séjour en chambre noire et une voix bienveillante pour se révéler à lui-même et commencer enfin à vivre.
Oublier mon père parle de la construction de l’identité masculine, des mensonges qui nous hantent et de la nécessité de s’affranchir du passé.