Plaire, aimer et courir vite, un film charmant mais…
Christophe Honoré se construit une filmographie bien particulière qui a le don de séduire des fans de plus en plus nombreux et de coller à l’air du temps. Certains le considèrent comme un réalisateur furieusement parisien, ils n’ont pas tort mais ça ne manque pas de charme. Son Plaire, aimer et courir vite creuse le sillon ouvert par 120 battement par minute avec une évocation douce amère des années sida avant la trithérapie, quand les chances de survie étaient minimes et la souffrance intolérable pour ceux qui étaient infectés. Mais là où le film de Robin Campillon pointait du doigt l’inaction des pouvoirs publics, Christophe Honoré s’intéresse à une histoire minuscule aux accents mi-caricaturaux mi-séduisants, sans complètement convaincre mais sans laisser non plus complètement indifférent.
Un film trop lisse pour être honnête
Les temps récents ont vu un certain nombre de films sans concession faire des focus retentissants sur les amours homosexuels, sans détours et sans esquiver le full frontal. Pour n’en citer que trois, Eastern Boys, L’inconnu du lac et Hugo & Théo dans le même bateau sont trois de ces évocations d’amours homosexuels qui ont marqué durablement les spectateurs avec des histoires parfois tarifées mais pas toujours sans sentiments. Le premier film utilisait la même pudeur que PAeCV pour ne rien montrer tout en faisant un peu plus que suggérer, le second voyait déjà Pierre Deladonchamps déambuler sur les rives d’un lac à la recherche de corps et d’expériences avec des corps dévêtus et alanguis au soleil, le troisième débutait sur de la sexualité purement full frontal un peu choquante avant de finir en film godardien, gentiment bavard et charmant sur deux jeunes hommes qui se découvrent l’un à l’autre. PAeCV mélange un peu les trois films cités pour un résultat moins clivant et peut être même un peu trop lisse. Les scènes d’ébats sont d’une pudeur extrême, l’humour s’invite à haute dose par l’entremise d’un Vincent Lacoste déchainé en jeune désinvolte qui choisit de ne pas choisir et Pierre Deladonchamps résiste longtemps aux effets délétères du virus tout en tentant de continuer à vivre. La légèreté du premier a le bon gout d’insinuer des accents bouffons dans une histoire qui ne manque pas de tragédie là où certains auraient privilégié la tragédie stricto sensu.
Des choix discutables?
Cette variation de ton met le drame à distance mais fait également un peu sortir du film. Car PAeCV n’est pas une comédie étant donné le sujet. Denis Podalydès multiplie les faciès exaspérés en ami obséquieux et fidèle de Jacques et rajoute à l’ambiguïté du propos. Car l’expérience sexuelle est souvent présentée ici comme vitale et immédiate, sans besoin de sentiments et de pinces, jusqu’à donner une image foncièrement caricaturale des homosexuels et nuire au plaisir du spectateur qui se demande si la vie des homos ne se résume pas qu’à une suite ininterrompue de parties de jambes en l’air. Le film est aussi un peu long en durant un peu plus de 2h et Vincent Lacoste ne cesse d’évoluer de film en film. D’ado frustré dans Les Beaux Gosses à ado rapace dans le Skylab en passant par le jeune homme Don Juan dans Victoria ou au jeune homme tête à claques dans Lolo, il attire irrémédiablement à lui la caricature. Ici passablement porté sur la chose avec l’une ou avec l’un, il joue un personnage qui ne sait pas qu’il joue avec le feu, trop préoccupé à trouvé le plaisir là où il est. Charmant comme toujours mais à la limite de la fantaisie imaginaire. Ce style de personnage existe-t-il vraiment dans la vraie vie? Sans problèmes d’argent ni questions existentielles, il vit, tout simplement. Pas sûr que ce soit toujours si simple.
Plaire, aimer et courir vite ne remplit pas le contrat, frustrant le spectateur devant un méli mélo de sentiments décousus et de libertés cousues de fil blanc. Il reste du film des accents de bonne humeur aux effets euphorisants mais pour le film définitif sur une époque trouble, il faudra attendre encore un petit peu.
1990. Arthur a vingt ans et il est étudiant à Rennes. Sa vie bascule le jour où il rencontre Jacques, un écrivain qui habite à Paris avec son jeune fils. Le temps d’un été, Arthur et Jacques vont se plaire et s’aimer. Mais cet amour, Jacques sait qu’il faut le vivre vite.
Sortie : le 9 mai 2018
Durée : 2h12
Réalisateur : Christophe Honoré
Avec : Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps, Denis Podalydès
Genre : Comédie dramatique