Succès : prolongation pour le corps à corps existentiel entre Laetitia Casta et Raphaël Personnaz
En 1973, Ingmar Bergman écrit et réalise en quelques mois la série TV « Scènes de la vie conjugale ». Sa caméra explore la relation d’un couple, sur vingt ans, qui va brutalement se déchirer. La série sera suivie avec passion par des millions de téléspectateurs avant d’être condensée en film dont les coupes accentuent le sentiment de huit clos.
Safy Nebbou et Jacques Fieschi s’attaque à ce matériau introspectif pour nous replonger dans les méandres de la conjugalité à la fois singulière et universelle qui oscillent sans cesse entre la communion fragile et la solitude totale. Au plus près du jeu des deux comédiens (Laetitia Casta & Raphaël Personnaz) où se conjurent sans concession toutes les facettes d’une relation, le spectateur se confronte à un miroir de lui même aussi intime que bouleversant.
La pièce débute par une vidéo projetant l’interview confession d’un couple filmé en gros plan où derrière les masques, des dissonances se font jour.
Mariés depuis dix ans avec deux enfants, Johan et Marianne se disent heureux et épanouis. Tous les deux ont un métier. Elle est avocate, lui professeur d’université.
Une parole au scalpel
Pourtant Johan, mâle dominateur, s’ennuie et se crispe, tandis que Marianne, en manque de confiance, se montre vulnérable en se posant mille questions et veut toujours bien faire.
Les faux semblants commencent alors à s’éroder, ne laissant place qu’aux tensions latentes et rancœurs. Un soir Johan annonce sans management qu’il a rencontré une autre femme et qu’il a décidé de la rejoindre pour un nouveau départ. Si Marianne paraît détruite aux prises avec les ruines de son mariage, elle va finir par se reconstruire et révéler sa véritable personnalité.
Et c’est à ce cheminement cathartique en passant par son questionnement auquel nous assistons. Où à travers une radiographie du couple, sont disséqués le sentiment amoureux, le va-et-vient du désir, l’influence du temps qui passe, les compromis et les lâchetés de la vie à deux.
Un corps à corps existentiel
Avec une grande justesse, la pièce rend compte de l’individualité de l’autre avec ses élans, ses contradictions, son rapport à la solitude et à soi. Et c’est un tableau extrêmement précis de la relation, sa construction, sa maturité jusqu’à son émancipation auquel nous prenons part.
Bergman cristallise aussi les masques que l’on porte et qui se superposent dans le but de se mentir à soi-même et de se renier afin de se conformer au modèle social dont la critique rappelle le théâtre des plus grands dramaturges scandinaves, comme Strindberg ou Ibsen.
A l’abri d’une scénographie minimaliste, organique, le spectateur traque sans relâche à travers les gestes, les regards, la mise à nu, les moindres soubresauts de la relation entre amour et désamour, affrontement et rapprochement, trouble et apaisement.
Et dans ce corps à corps existentiel, Laetitia Casta, toujours juste, est troublante, tour à tour fragile, animale et sensuelle, elle livre toutes les nuances de son personnage tandis que Raphaël Personnaz incarne cet homme aux prises avec ses contradictions, d’abord sûr de lui puis chaviré par cette femme qui lui échappe.
CALUIRE – 11 & 12 décembre 2017
MOULINS – 19 janvier 2018
Dates : Prolongation jusqu’au 28 mai 2017 l Lieu : Au théâtre de l’Oeuvre (Paris)
Metteur en scène : Safy Nebbou l Avec : Laetitia Casta & Raphaël Personnaz