Jacques Mathis se raconte en images, les 208 pages défilent l’histoire de sa vie de patient bipolaire, entre vie normale dans la cité et crises nécessitant un traitement médicamenteux, voire une hospitalisation y compris en isolement. Son compère Sylvain Dorange met en image ses errances et fait toucher du doigt le quotidien compliqué d’un homme qui doit se méfier de lui-même. Une BD parfaite pour appréhender la réalité d’une pathologie psychiatrique pour ne pas juger trop vite ceux qui en sont victimes.
Un récit à tiroirs plein de sincérité
Jacques Mathis ne joue pas à la victime ou au malade imaginaire, il raconte ses séjours en HP avec un luxe de détails. Aucun épisode ne semble échapper à sa mémoire et surtout il jette un regard plein de franchise sur ses expériences passées, n’éludant ni ses délires ni ses excès. Parfois au fond du trou, parfois doté d’un enthousiasme extraordinaire, ce yoyo joue des tours et fait côtoyer autant les abimes que les sommets. Les flashbacks entre son statut de célibataire au RSA invalide à 80% poète et écrivain, et ses années de psychotique baladé entre les psys, les médicaments et l’hôpital donnent à réfléchir. Car le monsieur a du talent et livre des pensées aussi fulgurantes que celle-ci quand il parle de sa psy et du besoin de se livrer totalement sans ambages: « Se soumettre, c’est aussi s’en remettre complètement à l’autre, lui donner sa confiance et lui laisser tout l’espace qu’il voudra prendre. La soumission, c’est l’amour. Impossible d’aimer sans se soumettre. » Faut-il être malade pour avoir une telle pensée iconoclaste? La BD se lit comme un témoignage, avec des passages de l’ordre du délire et d’autres plus autocritiques. Car l’auteur revient avec une réflexion pointue su sa vie de psychotique. Il remonte à l’enfance, à son éducation catholique et à son appréhension des femmes. Le dessinateur Sylvain Dorange donne une dimension supplémentaire au récit avec ses traits, le servant toujours et ne le trahissant jamais.
Psychotique est une BD qui peut se révéler éprouvante mais elle donne de l’espoir. Car elle montre la nécessité de ne rien se cacher pour s’accepter et réussir à cohabiter avec les autres malgré ses psychoses. Difficile mais salutaire.
Date de parution : 3 avril 2019
Scénariste(s) : Jacques Mathis
Dessinateur(s) : Sylvain Dorange
Genre : Biopic
Editeur : La Boîte à Bulles
Prix : 24 € (208 pages)