Le retour de Guérisseur sur la scène du Lucernaire 32 ans après sa création

Guérisseur
Guérisseur, mise en scène de Benoit Lavigne, Le Lucernaire

Le retour de Guérisseur sur la scène du Lucernaire 32 ans après sa création

En 1986, Laurent Terzieff adaptait au Lucernaire la pièce Guérisseur de Brian Friel. 32 ans plus tard, Benoît Lavigne s’intéresse de nouveau à ce texte central dans l’oeuvre du Tchekhov irlandais pour confronter les visions de 3 personnages sur des faits similaires sur la route de leur éternelle tournée en camionnette. Le guérisseur Francis Hardy, Grace sa femme – ou sa maitresse – et Teddy l’imprésario défilent tour à tour sur scène pour évoquer la vie en mouvement avec ses méandres et donner chacun leur vision particulière d’évènements tragiques. Les 3 monologues précèdent une conclusion glaçante du Guérisseur lui-même et interrogent sur la part du faux et du vrai, d’espoir et de réalité, et de souffrance dans cette histoire d’escroquerie pathétique.

Une pièce lunaire

La scène est jonchée de sièges en métal figurant les spectateur assistant au spectacle donné par le Fantastique Francis Hardy dans les villages les plus reculés du Royaume Uni. Accompagné de ses deux acolytes, il parcourt le Pays de Galles et l‘Ecosse, évitant soigneusement l’Irlande pour des raisons longtemps obscures. Et c’est toute la sève de la pièce, des informations apparemment sans ampleur deviennent significatives au fur et à mesure des monologues successifs, dévoilant des vérités cachées et différemment perçues par chacun. Le prestidigitateur aime à se faire mousser, conscient des limites de son art et de la dureté de la vie en tournée. Il évite soigneusement les sujets qui fâchent, se contentant de jeter de la poudre aux yeux. Puis son amie Grace dévoile de nouvelles informations plus intimes et surtout moins glorieuses sur le truqueur alcoolique et lunatique. Enfin l’imprésario Teddy donne une troisième vision que le magicien de pacotille vient finalement conclure avec un retour sur scène final toujours plus mélancolique. Ce sont les comédiens qui portent le texte dans une pièce piégeuse à tiroirs. Xavier Gallais ou Thomas Durand figurent la grande solitude du Guérisseur perpétuellement en proie au doute. Derrière lui s’enroule et se déroule une grand bannière pour annoncer sa venue aux badauds, miteuse et vieillie mais toujours fièrement dévoilée. Car le personnage de Franck Hardy tient sa petite fierté chevillée au corps, évitant soigneusement les sujets polémiques pour se charger de son auto célébration. Suite à lui, Grace (Bérengère Gallot) et Teddy (Hervé Jouval) sont beaucoup moins péremptoires, alternant avec art entre des propose évoquant des rêves de grandeur et la platitude de leurs réalités. La scène seulement peuplée de chaises figurent deux autres solitudes pas moins vacillantes que celle du Guérisseur.

Faux semblants et contre vérités

Tout l’intérêt de la pièce consiste dans ce voyage à travers les apparences et les points de vue. Car aucune certitude n’a cours dans l’heure et demie de monologues confinant à la divagation. L’humour le dispute à la mélancolie et les regrets affleurent constamment dans les paroles de personnages en marge du monde, presqu’à l’écart de leurs semblables. Ce Guérisseur pourrait apporter la joie aux foules et la richesse à ses acolytes, mais sa douleur de vivre l’empêche de prendre son envol. Et quand il parvient à l’occasion à guérir un quidam, il en est le premier surpris, remettant en cause son don pour bien montrer que non, il n’est peut être pas qu’un charlatan opportuniste, peut être. Brian Friel accumule les détails truculents ou accablants pour donner à ses personnages une épaisseur d’existence et les sauver de l’exil intérieur. Le spectacle évite soigneusement les effets spéciaux pour laisser le fil des mots se déployer dans une langue tantôt authentique tantôt fantaisiste. Et quand se finit la pièce, le doute submerge le public. Qui a donc survécu à cette folle équipée sans lendemain parmi les 3 personnages?

Guérisseur interroge sur l’omniprésence du voile sur les yeux, modifiant à l’envie la réalité des choses pour les enjoliver ou ne plus les voir si elles sont vraiment trop déprimantes. La pièce invite à l’introspection pour un moment de méditation acérée au Lucernaire.

Dates :  du 31 janvier au 14 avril 2018, 19h du mardi au samedi
Lieu : Le Lucernaire (Paris)
Metteur en scène : Benoit Lavigne
Avec : Xavier Gallais ou Thomas Durand, Bérangère Gallot, Hervé Jouval

NOS NOTES ...
Originalité
Mise en scène
Jeu de acteurs
Texte
Stanislas Claude
Rédacteur ciné, théâtre, musique, BD, expos, parisien de vie, culturaddict de coeur. Fondateur et responsable du site Culturaddict, rédacteur sur le site lifestyle Gentleman moderne. Stanislas a le statut d'érudit sur Publik’Art.
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