Un Varon (Un mâle, en espagnol) a tout du film épidermique. Son jeune héros est confronté quotidiennement aux trafics, aux rapports de force et à la violence. Il sait que seuls les forts peuvent se faire respecter dans les rues de Bogota, alors il se cherche une prestance, un charisme apparent. Mais le naturel revient inévitablement au galop. A la lisière du documentaire sur une jeunesse perdue dans la dureté d’une l’existence sans repères au delà de la drogue, le film fait un effet bœuf sur les spectateurs. C’est âpre comme seuls les films sincères parviennent à l’être.
Un film coup de poing
Le réalisateur Fabián Hernández a commencé l’écriture du scénario d’Un Varón dès 2012. Il a bien connu l’ambiance des rues et il y trainait lui-même avec un gang qui faisait du breakdance et du hip-hop. Habitué aux codes locaux, expressions, démarche, habillement, regard, il a pris conscience de l’impasse de son existence lorsqu’il a été témoin d’un évènement très violent. Pas de choix pour lui, pour survivre, il a décidé de changer de vie. Ce premier long métrage est l’aboutissement d’une démarche personnelle longuement murie. Avec succès puisque le film a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2022. Un Varon interroge sur la représentation masculine, la violence est utilisée comme instrument de pouvoir avec la mort comme dernière extrémité. Le compte de victimes tient lieu de palmarès pour apparaitre comme le plus fort et le plus légitime pour régner. Le jeune Carlos s’en rend rapidement compte, confronté sans trop être surpris à force d’y être confronté à cette valeur cardinale des quartiers. Mais ces valeurs ancrées dans tous les esprits n’empêchent pas les questionnements personnels liés aux désirs, à la sexualité et à l’affection des proches, tout est caché au plus profond de soi pour ne pas apparaitre comme des aveux de faiblesse. Le côté très brut du film, très proche du réel, sans aucun effet dans les images et les séquences, soulignent d’autant plus la lisière avec le documentaire pour une vraie honnêteté. Les personnages font très crédibles, semblent bouger comme des vrais caïds et ne s’embarrassent d’aucun scrupule. L’acteur Felipe Ramirez est une vraie révélation dans le rôle de Carlos, ses doutes intérieurs sont cachés sous sa carcasse pour ressortir violemment si le contexte l’y oblige.
Plongé dans les quartiers populaires de Bogota, le film montre une triste réalité. Des centres fermés existent pour retirer les plus jeunes d’un quotidien de violence et les guider. La chanson Yo tengo un ángel est à ce titre un beau symbole du film, comme une preuve qu’il est possible de s’en sortir à force de volonté.
Synopsis: Carlos vit dans un foyer du centre de Bogotá, un refuge à l’abri duquel la vie se fait un peu moins violente qu’à l’extérieur. C’est Noël et Carlos aimerait partager un moment avec sa famille. À sa sortie du foyer, Carlos est confronté à la rudesse des rues de son quartier, où règne la loi du plus fort. Carlos doit montrer qu’il peut lui aussi être l’un de ces mâles alpha. Il lui faudra choisir entre adopter ces codes d’une masculinité agressive, ou, à l’opposé, embrasser sa nature profonde.