Les éditions La Boîte à Bulles s’associent à Médecins du Monde pour une BD qui multiplie les témoignages sur ceux et celles qui ont tout quitté pour rejoindre l’occident et sont obligés de vendre leurs corps pour subsister. Les parcours sont douloureux, les existences sont cabossées, le travail réalisé par Muriel Douru et les associations Médecins du Monde et Paloma dédiées aux travailleu.r.se.s du sexe ouvre une lucarne sur une réalité mal connue et bien peu évoquée car cachée sous une belle couche d’hypocrisie. Se débarasser des œillères n’est pas chose facile dans une société de consommation confortable où les destins brisés de ceux qui quittent leurs pays n’est jamais relaté par personne.
Une BD sous le signe du courage
Muriel Douru choisit de ne rien cacher dans la retranscription de tous ces récits qui font froid dans le dos, par respect pour celles et ceux qui ne sont livrés et pour communiquer des images aussi fidèles que possible. Car habitués de l’obscurité et des amours tarifés, les personnes débarquées du Nigéria ou d’Amérique du Sud ne peuvent que vivoter, avec à l’esprit des enfants restés au pays, des familles qui choisissent de les abandonner et les vicissitudes de vies de clandestins. Ces invisibles existent pourtant, succombant à la loi de l’offre et de la demande pour obtenir cet argent nécessaire à leurs existences précaires. Afin de ne pas les faire condamner et leur donner la parole, Muriel les dessine et leur prête des propos, parfois drôles, souvent dramatiques mais toujours honnêtes. Le lecteur peut rencontrer Amélia, venue du Nigéria par un réseau de passeurs qui lui réclame 60 000 euros et prostituée de force. Les histoires de Laurianne, escort girl sans tabou et de la femme transgenere Giorgia venue de Colombie et séropositive sont tout aussi touchantes. La lecture est ardue, ce sont des récits de douleur qui s’étalent dans des dessins très réalistes. La BD est parfois divertissante, elle choisit ici de coller à la réalité la plus dramatique.
La BD brosse le tableau pas très reluisant d’une humanité de victimes et de bourreaux, les seconds profitent des premiers dans un cercle vicieux de vexations et de tortures aussi bien physiques que psychologiques. Le travail du sexe n’est pas une sinécure, mais les autorités préfèrent visiblement regarder ailleurs plutôt que de légiférer une fois pour toute, tel est notre monde. Constat implacable.
Avec Putain de vies, l’illustratrice et autrice Muriel Douru aborde un sujet polémique, captivant et rarement traité en BD : la prostitution. Pour recueillir ces parcours de vie, Muriel s’est jointe aux maraudes des associations Médecins du Monde et Paloma dédiées aux travailleu.r.se.s du sexe.
Sans misérabilisme aucun, Muriel donner une visibilité à des personnes qui ont rarement droit à la parole, invisibilisées alors même qu’elles sont bien souvent au cœur de nombreuses conversations. Les gens parlent à leur place, disent ce qui est bien ou mal, ne les écoutent pas et les condamnent sans savoir.
L’auteure nous amène à la rencontre d’Amélia, Nigériane, exilée en France et prostituée de force, mais aussi de Laurianne, Escort Girl sans tabou, ou encore de Giorgia, femme transgenre colombienne et séropositive, contrainte de quitter son pays.
À travers cette série de portraits, ce livre rend compte sans parti-pris de leur situation, propose un témoignage pluriel, juste, humain, bien loin des clichés que véhicule le travail du sexe.
Date de parution : 7 août 2019 / 18 septembre 2024
Auteur : Muriel Douru
Editeur : La Boite à Bulles
Prix: 24 euros
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