Tout le monde a suivi le mouvement des gilets jaunes, de près ou de loin, à la télé, dans les journaux ou dans la rue. La crise sociale a durablement marqué les esprits, la BD de Sandrine Keron propose de faire le point sur les tenants et les aboutissants sociaux, économiques et politiques avec un retour sur les faits, des entretiens et une impression persistante que si les intentions étaient bonnes, le mouvement s’est délité sous le poids des intérêts particuliers et des récupérations partisanes.
Quand l’impossible devient réalité
En novembre 2018 naissait un mouvement jamais vu auparavant. Des individus décidaient de se mobiliser hors des castes politiques pour faire entendre leur voix. Le cout de la vie, les taxes, la difficulté de joindre les deux bouts, les motivations se rejoignaient sous la bannière du changement pour améliorer les conditions de vie devenues difficiles depuis 2008 et la crise des subprimes. Le mouvement de la France d’en bas a d’abord fait sourire les gouvernants, mais pas pour longtemps. Les occupations de rond points ont précédé les grandes manifestations et des affrontements parfois aussi violents que sanglants. La répression a été rude, justifiée pour certains, scandaleuse pour d’autres. L’auteur cherche à éviter la caricature en donnant la parole à ceux qui ont vécu le mouvement en espérant faire bouger les choses. La diversité des profils a toujours ce même point commun, une France laborieuse qui trime sans recevoir les dividendes de ces efforts. La BD aborde aussi la question des mouvements violents qui se sont agrégés au mouvement jusqu’à le dévaloriser aux yeux de la majorité, le menant vers sa banqueroute. Dégradations, voitures brulées et lancers de caillou n’ont pas aidé à la reconnaissance d’un mouvement parti sur des bases populaires saines pour finir dans la dissension et le vacarme cacophonique. Rien n’échappe à une analyse fine et pertinente, non pas partisane mais bienveillante et compréhensive envers le raisons profondes du malaise ayant mené les populations à se rassembler sous le flambeau des gilets jaunes. L’auteur a rencontré beaucoup de gens en Bretagne, un des centres névralgiques de la contestation, terre d’emploi et de labeur.
Mon rond-point dans ta gueule permet de faire le point, à froid, calmement, sur un mouvement qui pourrait avoir des répercussions politiques. La crise du Covid a quelque peu calmé les ardeurs, mais il n’est pas impossible que ses effets se fassent encore ressentir dans un avenir proche, en 2022 par exemple, année d’élections…
Synopsis:
Le 17 novembre 2018, un mouvement non structuré ébranle la France et son gouvernement, l’émanation d’un ras-le-bol collectif qui pousse des centaines de milliers de personnes à protester ensemble contre la vie chère, les inégalités grandissantes, le manque de démocratie… Des groupes de Gilets jaunes campent durablement sur des ronds-points stratégiques, bloquant le pays pour faire entendre leur colère.
Sandrine Kerion était l’une d’entre eux. Afin de mieux rendre la réalité et la complexité de ce mouvement, elle a interrogé plusieurs de ses compagnons de lutte afin de retranscrire leurs témoignages en BD. Sans émettre de jugement sur leur discours, elle les écoute et les laisse s’exprimer, eux qui considèrent s’être tus trop longtemps et ont vu dans ce mouvement de « la France d’en bas » l’occasion de faire bouger les choses. Avec espoir puis, souvent, avec désillusion.
Le projet de l’autrice vise notamment à contrer les représentations – trop souvent caricaturales – des Gilets jaunes dans les média. Ces portraits rendent compte la de diversité des profils de ces personnes mais aussi des combats chers à chacun de ces Gilets jaunes. Une diversité qui faisait sa richesse mais qui a également causé son incapacité à se structurer…
Editeur: La Boite à bulles
Auteur: Sandrine Kerion
Nombre de pages / Editeur: 144 pages / 19 euros