Une vie, adaptation très XIXe siècle du chef d’oeuvre de Maupassant
Une vie prend le parti de l’adaptation littérale à tous points de vue. Absence d’effets visuels, rythme lent (voire long), économie de moyens et coupures temporelles instillent un rythme digne d’un film tourné au XIXe siècle. Ce qui tombe bien, l’ouvrage de Maupassant se situe au coeur d’un monde qui s’éteint, celui de l’aristocratie de province autrefois dominante et en pleine décadence, ce que la première guerre mondiale pas si lointaine finira d’achever. Reste le destin d’une femme au destin contraire que les évènements accablent jusqu’au désespoir. Un film décrié dans les médias pour sa longueur parfois à la limite du soporifique mais qui mérite pourtant une réhabilitation. Car le film joue la carte de l’authenticité et de la profondeur des sentiments.
Un destin de femme
Maupassant brosse le portrait sans concession d’une héritière éduquée sommairement au couvent et mariée trop jeune avec un membre de la même classe sociale, un baron orphelin et en tous points convenable. Ce mariage, au début quelque peu forcé, convient très vite à Jeanne le Perthuis des Vauds avant les révélations sur la duplicité du baron. Car si les aventures extraconjugales des hommes avaient pendant longtemps bénéficié d’une langue de bois généralisée, les temps commençaient à changer. Et la surprotégée héritière réagit au diapason de sa sensibilité à fleur de peau. Sa vie commence à basculer avec une avalanche de drames, tant personnels que financiers. Le film ne la ménage pas, la faisant glisser petit à petit jusqu’à l’aigreur la plus noire.
Un casting haut de gamme
Le film surprend par un choix de mise en scène au classicisme forcené, faisant ressortir de manière éclatante la langueur de toute une époque. Parties de carte, jeux de société, jardinage et activités de plein air remplissent un quotidien indolent où l’ennui prend le pas sur la passion. Pour rendre compte de cette époque charnière de la civilisation occidentale, le réalisateur de l’acclamé La loi du marché fait évoluer un casting 3 étoiles. La jeune Judith Chemla à la croisée des chemins entre Juliette Binoche et Mélanie Laurent évolue avec les veilles gloires Jean-Pierre Darroussin et Yolande Moreau, ainsi qu’avec les jeunes pousses déjà reconnus Finnegan Oldfield et Swann Arlaud. Retenue et sobriété priment dans cette adaptation si fidèle à l’oeuvre du génial écrivain qu’il est difficile de rester insensible. Amateurs de cinéma contemporain, je vous recommande de passer votre chemin. Ce film est d’un classicisme qui concoure à son charme. Le warning est clair mais ne réduit en rien la qualité du film.
Une vie n’a pas convaincu la critique, hypothéquant quelque peu son succès public. A tort, ses qualités sont nombreuses et ce film mérite de s’inscrire dans la longue lignée des adaptations romanesques de qualité.
Normandie, 1819. A peine sortie du couvent où elle a fait ses études, Jeanne Le Perthuis des Vauds, jeune femme trop protégée et encore pleine des rêves de l’enfance, se marie avec Julien de Lamare. Très vite, il se révèle pingre, brutal et volage. Les illusions de Jeanne commencent alors peu à peu à s’envoler.
Sortie : le 23 novembre 2016
Durée : 1h59
Réalisateur : Stéphane Brizé
Avec : Judith Chemla, Jean-Pierre Darroussin, Yolande Moreau
Genre : Drame