Pierre Arditi, magnifique intranquille dans Le Cas Sneijder
Le Cas Sneijder – roman à succès de Jean-Paul Dubois, grand adepte de l’humour noir – transposé à la scène par Didier Bezace, est le portrait d’un homme abîmé, laminé par le système.
Il est le seul rescapé d’un accident d’ascenseur qui a coûté la vie à sa fille. Depuis ce jour, il cherche à comprendre pourquoi Marie est morte.
Il se met à déchiffrer de manière compulsive à la craie sur un tableau noir, la mécanique explosive de la verticalité dont il voit une métaphore de la société contemporaine, vouée au seul culte de la réussite et de la performance avec ses dommages collatéraux d’inhumanité.
Toujours plus haut, toujours plus vite donc, mais au prix de combien de compromissions et de lâchetés auxquelles il refuse désormais de se soumettre contrairement à sa femme (Sylvie Debrun excellente), cadre dirigeante à haut potentiel, qui le trompe, et à ses jumeaux qui le méprisent.
Il prend dès lors le parti de démissionner d’une vie active conformiste en devenant promeneur de chiens pour l’entreprise « DogWalk », pour qui il se prend d’amitié avec le gérant (Thierry Gibault parfait) et refuse aussi de poursuivre judiciairement l’ascensoriste, privilégiant la voie amiable moins avantageuse financièrement.
Au dam de sa famille ulcérée qui le considère comme fou et décide de le faine interner en hôpital psychiatrique. Il devient Le Cas Sneijder.
Un anti héros revenu de tout
L’univers mental de Paul et son intranquillité sont au cœur de la scénographie de Jean Haas. Elle s’ouvre sur un immense tableau noirci de schémas, de graphiques, de notes et de chiffres qui sont nés de sa réflexion solitaire et de sa recherche obsessionnelle des vraies raisons qui ont provoquées l’accident dont il a été victime.
A l’abri de cet espace cloisonné, des portes d’ascenseur s’ouvrent à intervalles réguliers sur d’autres éléments du décor laissant entrevoir les brides d’une vie incertaine ou lointaine : le salon, la boutique du promeneur de chiens, le bureau de l’avocat de la compagnie d’ascenseurs, le souvenir de sa fille (Morgane Foucault).
Une descente aux enfers
Une voix off, qui est celle du protagoniste foncièrement entré en résistance, accompagne cette traversée mais dont le combat s’annonce impossible. Elle livre au spectateur ses sensations, ses émotions et son observation aiguë du monde aux prises avec une vie étriquée et ses accommodements misérables.
La mise en scène savamment rythmée de Didier Bezace déploie avec force et maîtrise la chute programmée d’un homme meurtri et insoumis.
Pierre Arditi, méconnaissable, incarne corps et âme cet anti héros revenu de tout dont la solitude éperdue qui embrasse celle de la condition humaine, nous étreint.
Dates : A partir du 21 février 2017 l Lieu : Théâtre de l’Atelier (Paris)
Metteur en scène : Didier Bezace
Avec Pierre Arditi, la scène doit être vraiment poignante ! Très belle chronique, Amaury, comme toujours tu donnes envie d’aller voir la pièce !