Alceste de Christoph Willibald Gluck, mise en scène par Olivier Py, à l’Opéra de Paris

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Photos © Opéra national de Paris/Julien Benhamou & Alceste © Opéra national de Paris/Agathe Poupeney

Palais Garnier du 16 juin au 15 juillet 2015

Production de haut vol que l’Alceste donnée à l’Opéra Garnier par Olivier Py dont la mise en scène inventive et théâtrale parvient à donner à la fable sa dimension intemporelle et universelle.

Nulle emphase baroque ni outrance expressionniste dans cette direction d’acteurs/chanteurs d’un grand homme de théâtre, artiste par dessus tout, au plus près de la profondeur intime, philosophique de l’œuvre et de son architecture, si caractéristique à la tragédie épurée de Gluck. Du grand art, bravo !

Où le Memento mori propre à l’œuvre avec sa longue déploration se revisite sur un tableaux noir et à la craie qui dans un ballet de signes et un effacement perpétuel, cristallisent dans une épure parfaite, le passage terrestre.

Admete, roi de Thessalie se meurt. Par amour et pour le sauver, la reine Alceste, vertueuse et femme de devoir, implore Apollon, de prendre sa vie afin der préserver celle son époux et sauvegarder aussi la protection de ses sujets.

Rétablis, Admete apprend de son ami Evandre, puis de la reine elle-même qu’il doit sa guérison au sacrifice de sa vie. Le roi réclame alors, au dieu la mort à laquelle il était initialement voué.

Informé par Evandre, Hercule, jure de rendre son roi et sa reine au peuple de Thessalie. Face aux portes des enfers, Admete et Alceste, pleinement dévoués l’un à l’autre, implorent, chacun leur tour, de mourir.

Hercule survient et, pris de compassion pour cette passion amoureuse, les sauve. Ainsi, revenus du séjour des morts, ils incarnent à jamais la vérité du lien indéfectible les unissant à la vie, à la mort.

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Le noirceur qui colore toute l’œuvre dans une lamentation infinie sur l’amour sacrificiel et le devoir est magistralement soutenue par une esthétique (décors & costumes de Pierre-André Weitz dans un fondu de noir) et un dispositif scénique en mouvement, constitué d’un immense tableau noir en fond de scène à l’abri d’un grand escalier et de deux panneaux noirs coulissants de part et d’autre du plateau, le tout propice à des scènes visuelles très marquantes.

12 septembre au 7 octobre 2013 Marc Minkowski (Direction musicale) Yann Beuron (Admète) Sophie Koch (Alceste) Franck Ferrari Hercule)

Celles notamment qui voit Hercule haut perché et transformé en prestidigitateur avec une colombe pour les besoins de l’oracle qui vaincra comme par magie la tyrannie des dieux. Ou lorsque Apollon surgit en danseur magnifié sous une pluie d’or pour célébrer les deux époux épargnés ou bien encore cette image fugitive de la mort, qui poursuit inlassablement le couple à travers un corps dansant vêtu d’un collant couleur taupe, imposant son rituel macabre.alcste

Cinq dessinateurs sont en permanence sur le plateau pour dessiner à la craie en temps réel une succession de décors (la façade du Palais Garnier avant de n’être plus qu’un rideau de scène) ou des éléments du drame (un électroencéphalogramme, un cœur, une tête de mort) qu’ils effacent au fur et à mesure de la mise en abîme, remplacés par d’autres, métaphore des vanités de la peinture classique qui nous renvoie à l’imagerie de la finitude.

Marc Minkowski dirige ses musiciens du Louvre-Grenoble avec une vraie densité dramatique où la texture baroque des cordes sonne à plein tandis que le chœur avec son manifeste résonne de toute son amplitude et de sa pureté.

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Véronique Gens fait montre d’une grande élégance où sa voix constante porte toute la souffrance d’âme d’Alceste tandis que Stanislas de Barbeyrac (Admète) témoigne d’un beau souffle lyrique à la diction parfaite. Enfin, Stéphane Degôut (tour à tour le Grand prêtre, Apollon et Hercules) est impressionnant de présence où de sa voix projetée, il habite l’espace d’une incroyable aisance et d’une grande maturité vocale.

Nulle emphase baroque ni outrance expressionniste dans cette direction d’acteurs/chanteurs d’un grand homme de théâtre, artiste par dessus tout,  au plus près de la profondeur intime, philosophique de l’œuvre et de son architecture, si caractéristique à la tragédie épurée de Gluck. Du grand art, bravo !.

Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.

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