Amanda Lear et Michel Fau : un face à face haut en couleur !
Avec sa présence et son exigence si singulières, Michel Fau, amoureux des comédiennes d’antan et des icônes qui vont de paire, aime avec une excentricité assumée, se réinventer sur scène.
Aujourd’hui il monte et joue (Bette Davis), en compagnie d’Amanda Lear (Joan Crawford), une pièce du réalisateur Jean Marboeuf de 2008, « Qu’est-il arrivé à Bette Davis et Joan Crawford ? ».
On connait la rivalité personnelle et professionnelle entre ces deux monstres d’Hollywood qui s’est rapidement transformée en une véritable haine, pour durer jusqu’à la mort de la dernière des deux.
Une condition d’acteur aux facettes cauchemardesques
La pièce raconte sous forme de correspondance fictive et de dialogue intégralement inventé leurs échanges homériques, inspirés d’anecdotes et de faits réels rapportés à l’époque par la presse américaine, notamment pendant le tournage de « Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? » de Robert Aldrich, sorti en 1962.
Ce film, qui fut un grand succès, a véritablement relancé la carrière des deux actrices, considérées alors comme des « has been ».
Dans une scène d’ouverture mémorable qui donne le ton du spectacle, Fau pastiche à l’envi, avec la virtuosité qu’on lui connait, le glamour hollywoodien et son artifice pathétique.
Fau est Bette Davis en vaporeuse petite robe verte flashy et perruque à frange courte, tandis qu’Amanda Lear en fourreau noir pailleté et perruque brune, apparait, héroïne sculpturale, du haut du grand escalier.
Par delà l’évocation du couple infernal sur fond de haine, de rancœur, de jalousie, de désespoir, de solitude, ce sont tous les défauts et les excès des acteurs empreints de narcissisme, d’ego démesuré, de séduction névrotique, qui sont au cœur du jeu de massacre.
Michel Fau orchestre avec un sens aigu de la théâtralité, portée par une folie qui lui va bien : les mimiques, les attitudes, les regards, les envolées tragiques de ces icônes déchues, investies d’une grandiloquence et d’une prétention aussi souveraine qu’éloquentes. Bien au delà du grotesque parfaitement maîtrisé et dosé, c’est tout le jeu de la comédie humaine qui se révèle avec ses travers et ses désillusions. Son travestissement appuyé en souligne avec une justesse inouïe la dimension cabotine, précieuse, monstrueuse et dérisoire.
Le décor sophistiqué et coloré installe en miroir et en totale symétrie deux loges d’actrices, tandis que la mise en scène baroque fait son œuvre pour accompagner de concert la fuite en avant, teintée aussi de mélancolie.
Le duo Michel Fau / Amanda Lear fonctionne à merveille où chacun, dans un équilibre parfait, ose tout et fait corps avec cette condition d’acteur aux facettes cauchemardesques.
Dates : du 11 septembre au 24 octobre 2021 – Lieu : Théâtre de la Porte Saint-Martin (Paris)
Mise en scène : Michel Fau