« Après la répétition » ou le théâtre de la vie selon Bergman
Fervent admirateur de Bergman, le Tg STAN revisite le célèbre téléfilm du maître à l’empreinte éminemment théâtrale. Et explore, avec force, cette parole intranquille à la lucidité implacable et l’humour grinçant, qui creuse les rapports humains entre fiction et authenticité, sincérité et artifice, attraction et manipulation.
“Après la répétition” met en scène cette ligne ténue entre réalité et imaginaire où comment le théâtre et la vie se confondent et se répondent dont Bergman n’a eu cesse de sonder cet enchevêtrement et de mêler ainsi vie intime et fiction.
Devant nous, un metteur en scène pour qui le théâtre est l’essence même de sa vie et son actrice principale, dont la mère a entretenu une relation amoureuse destructrice avec lui.
Une mise en abîme du théâtre
Pour lui, le monde de l’illusion et de la fiction sont bien réels. Car c’est par le théâtre qu’il ressent ses désirs les plus profonds, qu’il exorcise ses peurs, qu’il voit naître ses nouveaux amours, et qu’il se sépare de ses anciennes relations.
Et une répétition car une fois de plus, Vogler met en scène Le Songe de Strindberg, pièce impossible à monter ; une fois de plus, le voici confronté à une jeune actrice (ce fut d’abord la mère puis aujourd’hui la fille) dont il pourrait tomber amoureux.
Un face à face percutant
Un va-et-vient entre réminiscence du passé et instant présent, où deux comédiennes -la mère et la fille- éprouvent une attirance pour le metteur en scène.
S’engage alors entre eux un face à face percutant, entre règlement de compte et intime confession.
Chacun se provoque à coup de mensonges et se séduise à force d’imagination. Lorsque Hendrik évoque sa mère disparue, Rachel – avec laquelle il entretenait une relation adultère – l’actrice minée par l’alcool et l’angoisse fait son apparition, telle un spectre du passé. Elle confronte Hendrik à sa lâcheté et à ses hésitations durant les années de leur relation.
Puis, le dialogue reprend avec Anna qui lui annonce qu’elle est enceinte et souhaite abandonner son rôle. Voyant sa réaction indignée, elle lui avoue qu’elle a avorté et qu’elle voulait seulement le tester. Tous deux imaginent alors comment ils pourraient entamer une relation, et s’inventent la vie qu’ils mèneraient.
Une mise en abîme qui se joue de la frontière entre le réel et la fiction comme du dédoublement des protagonistes et de leurs intentions où se font jour les rapports de force et de séduction, l’intranquillité des sentiments et leur ambiguïté.
Et dans cette histoire sur le théâtre et son débordement intime, les deux comédiens sont exceptionnels de naturel et d’intensité.
L’actrice, jouée par Georgia Scalliet de la Comédie-Française à l’affiche également de La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez, porte en elle toutes les angoisses et les tourments de sa relation toxique avec sa mère mais aussi les blessures intimes de cette dernière qu’elle interprète aussi, tandis que Frank Vercruyssen est ce metteur en scène habité corps et âme par son art.
Dates : du 25 octobre au 14 novembre 2018 l Lieu : Au Théâtre de la Bastille (Paris)
Metteur en scène : Tg STAN l Avec : Georgia Scalliet et Frank Vercruyssen