Au Théâtre des Champs-Elysées, une « Damnation de Faust » en demi-teinte

Au Théâtre des Champs-Elysées, une “Damnation de Faust” en demi-teinte
©Vincent Pontet

Au Théâtre des Champs-Elysées, une « Damnation de Faust » en demi-teinte

Silvia Costa revisite « La Damnation de Faust » de Berlioz dans une vision intérieure et symbolique au Théâtre des Champs-Élysées. Malgré une distribution vocale somptueuse — Benjamin Bernheim, Victoria Karkacheva, Christian Van Horn — et la direction affûtée de Jakob Lehmann à la tête des Siècles, le spectacle peine à libérer le vertige romantique du chef-d’œuvre.

Oubliez les steppes, les sabbats et les ciels embrasés : Costa enferme Faust dans une chambre d’enfant, espace d’un passé régressif où tout semble suspendu. Peluches, lampe de chevet, décor neutre : le mythe se fait introspection. Faust n’est plus l’homme qui vend son âme, mais celui qui contemple son propre vide.

L’idée séduit d’abord par son acuité contemporaine : ce Faust, reclus et spectral, parle à notre époque désabusée. Mais la scénographie, figée dans son concept, tourne vite au tableau immobile. Les symboles se répètent, la tension dramatique se délite. Le pacte avec Méphisto se réduit à une rêverie. Ce que Costa projetait en cohérence intentionnelle, elle le perd en incarnation : Berlioz, poète du vertige, s’y assèche.

À la tête des Siècles, Jakob Lehmann offre une lecture fine, équilibrée, d’une beauté sonore indéniable. Les timbres d’époque déploient une transparence admirable : bois clairs, cors ronds, cordes souples. On goûte la précision du geste, la clarté du contrepoint, l’attention au texte.

Mais cette élégance confine aussi à la retenue. La « Marche hongroise » manque de panache, le sabbat final reste contenu, presque policé. Lehmann dissèque là où Berlioz appelle l’incandescence. Sa lecture charme l’oreille, sans jamais faire vaciller l’âme ; on aimerait plus de fièvre, plus de chaos, plus d’enfer.

Benjamin Bernheim, voix ardente et magnifique

Benjamin Bernheim livre un Faust exemplaire : diction limpide, ligne souveraine, musicalité d’orfèvre. Son timbre clair, rayonnant, épouse la langue française avec une élégance rare. Pourtant, la mise en scène le réduit à une intériorité quasi statique : il chante magnifiquement, mais semble prisonnier de lui-même.

Victoria Karkacheva, au mezzo velouté, émeut dans son “D’amour, l’ardente flamme” d’une pureté suspendue ; une Marguerite de lumière et d’ombre, mais distante, presque absente. Face à eux, Christian Van Horn impose une présence puissante et raffinée : voix large, sombre, autoritaire. Son Méphisto manque toutefois de mordant : le français s’émousse, et Costa en fait un double de Faust plus qu’un démon tentateur.

Cette damnation, plus rêve que chute, plus concept que brûlure, nous laisse au bord du gouffre sans jamais oser nous y précipiter.

 Dates : du 3 au 15 novembre 2025 – Lieu : Théâtre des Champs-Elysées (Paris)
Mise en scène : Silvia Costa

NOS NOTES ...
Originalité
Mise en scène
Direction musicale
Plateau vocal
Amaury Jacquet
Si le droit mène à tout à condition d'en sortir, la quête du graal pour ce juriste de formation - membre de l'association professionnelle de la critique de théâtre de musique et de danse - passe naturellement par le théâtre mais pas que où d'un regard éclectique, le rédac chef rend compte de l'actualité culturelle.
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