Bernard Buffet, l’écorché vif : rétrospective au MAM de Paris
Le Musée d’Art moderne de la ville de Paris présente une importante rétrospective de l’œuvre de Bernard Buffet (1928-1999). Cet artiste considéré comme l’un des peintres les plus célèbres du XXème siècle fut également l’un des plus controversés.
A partir d’une sélection très rigoureuses d’une centaine de toiles et d’un parcours chronologique ainsi que thématique, l’exposition ouvre à un nouveau regard sur son œuvre dont le style singulier à la composition très architecturée, sertie de noir, témoigne très tôt d’une force créative, habitée par une âme ombrageuse et mystique.
L’exposition débute dans le contexte de l’après-guerre, avec les débats de la question des réalismes, de la figuration et de l’abstraction et de la disparition du sujet où Bernard Buffet se révèle un grand expressionniste à l’abri d’une surface tailladée de griffures et d’un graphisme nerveux et anguleux. La verticalité est omniprésente et le chromatisme de la toile marqué par des teintes brunes, ocres, délavées, une couche sans ombre ni empâtement ainsi qu’une signature bien visible.
[…] La couleur comme une déchirure […]
A 19 ans, il obtient le prix de la Critique pour son son tableau « Deux hommes dans une chambre », représentation de l’intimité de l’artiste et de la sexualité, qui sera un choc au regard de la liberté affirmée.
[…] La composition comme une citadelle […]
Les portraits et les autoportraits aux lignes géométriques ont pour modèle ses proches ou lui-même où il se représente dans son intériorité et non comme il est. Les natures mortes et les scènes de genre retrouvent les objets familiers de son quotidien et les animaux du marché, renvoi à la tradition picturale de Chardin à Courbet. La peinture d’histoire et la peinture religieuse sont revisitées.
La scénographie rend compte aussi de ses expositions annuelles où à partir de 1952, il commence à peindre par thèmes : cycles religieux avec La Passion du Christ, littéraires avec l’Enfer de Dante et Vingt mille lieux sous les mers ou allégoriques avec Les Oiseaux, Les Folles.
On poursuit avec l’intérêt de Bernard Buffet pour la peinture d’histoire (Horreur de la guerre) et sur l’histoire de la peinture (Le Sommeil d’après Courbet) pour finir par son dernier thème, La Mort, grandes toiles ravageuses qualifiées de gothique médiévale, prêtes pour sa dernière exposition alors qu’il met fin à ses jours à Tours, en 1999.
Un homme paradoxal dont l’œuvre porte les stigmates entre lumière et solitude, gloire et désamour, réussite et souffrance, interpellation et enfermement. Où l’embrasement du tout et ses contraires scrutent la couleur comme une déchirure, le trait comme une cicatrice et la composition comme une citadelle.
Dates : du 14 octobre au 26 février 207
Lieu : Musée d’Art moderne de la Ville de Paris
Entrée : 12 €
Belle découverte que cette exposition dédiée à un des grands artistes français de l’après WWII un petit peu tombé dans l’oubli dans nos contrées. Surtout acclamé jusqu’en 1955, Bernard Buffet a connu la gloire et la richesse précocement avec sa peinture bien particulière. Corps étirés dans une minceur extrême, faciès rappelant l’expressionnisme allemand, nudité omniprésente et traits dépouillés marquent le particularisme d’un artiste majeur même si surtout acclamé à l’étranger. Star au Japon avec un musée dédié à son oeuvre, Bernard Buffet mérite bien ce judicieux rappel pour mesurer son impact sur l’art moderne. Ses peintures de guerre et de cirque révèlent d’immenses toiles qui hypnotisent le regard. Les premières pièces montrent l’impact de la guerre sur son oeuvre avec des tableaux presque décharnés, striés de griffures grises avec des personnages aux regards hagards. L’impact d’un conflit meurtrier se ressent parfaitement dans des peintures presque visiblement douloureuses. L’artiste ajoutera des couleurs au fur et à mesure de sa carrière avec quelques beaux morceaux de bravoure.
D’abord dubitatif, je me suis vite pris au jeu pour une découverte marquante et une exposition à découvrir absolument, il y a une multitude de choses à découvrir, des petits détails, presque un message disséminé dans l’oeuvre entière.